« Mieux vaut être un Breton cardiaque, qu’une Alsacienne myope ! » Dans son dernier baromètre, Mercer redoute des difficultés financières croissantes d’accès aux soins de spécialistes dans certaines disciplines et certaines régions. Cet acteur important du monde de la protection sociale dresse en effet un bilan très critique du Contrat d’Accès aux Soins (CAS) qui place, selon lui, les assurés dans des situations très inégales au plan tarifaire. Et il explique qu’avec l’entrée en vigueur de l’ANI (Accord national interprofessionnel) -qui étend la couverture d’entreprise à tous les salariés- et l’arrivée dans ce cadre de nouveaux « contrats responsables » limitant les remboursements en secteur 2 hors CAS, la situation va inévitablement se corser pour les assurés.
Les auteurs de cette étude estiment en effet que, pour les patients, les problèmes ne font que commencer, les contrats complémentaires d’entreprise devant commencer bientôt à répercuter cette nouvelle donne : « les contrats santé d’entreprise étant presque tous responsables, ces derniers vont progressivement être mis à jour entre 2016 et 2018, afin que les bénéfices sociaux et fiscaux de l’employeur et des salariés perdurent », expliquent les spécialistes de Mercer.
Hors du CAS point de salut ?
[[asset:image:10716 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["GARO\/PHANIE"],"field_asset_image_description":[]}]]Dans ce nouveau contexte de refonte de la couverture complémentaire, les médecins secteur 2 n’ayant pas opté pour le CAS, verront leurs remboursements limités à 125% (puis 100%) du tarif de la Sécu. Une bien mauvaise nouvelle pour les assurés, selon Mercer, mais que beaucoup n’auraient pas encore intégré : « les bénéficiaires de ces contrats vont donc subir une baisse de leurs garanties » dans la majorité des cas, selon Mercer. Aux yeux de cet intervenant majeur sur le marché de la complémentaire santé, « les conséquences sur le pouvoir d’achat des familles pourront être très fortes ». Pour expliquer ce paradoxe -alors que l’ANI vise précisément à fournir une couverture complémentaire à tous les salariés- le baromètre de Mercer insiste sur les effets pervers du CAS. Et de pointer, après d’autres, le fait que « parmi les disciplines au sein desquelles les dépassements d’honoraires sont élevés, le taux d’adhésion au CAS est faible » : de fait, en chirurgie, ophtalmologie, ORL ou gynéco-obstétrique (toutes disciplines dans lesquelles plus de 60% des praticiens sont en secteur 2), seule une minorité de praticiens concernés a adhéré au CAS, constate le document.
Mercer pointe par ailleurs un échec du CAS là où les problèmes d’accès tarifaires sont les plus criants, c’est-à-dire dans les grandes agglomérations. Ainsi, moins d’un médecin francilien en secteur 2 sur cinq émarge au contrat d’accès aux soins et seulement 9,5% des médecins parisiens. « Selon la spécialité, la part des médecins de secteur 2 non CAS est en général 1,5 à 2 fois supérieure en Ile-de-France qu’en moyenne sur la France entière », souligne cette enquête. Au-delà, le baromètre met en exergue de fortes disparités entre villes de province de même importance. Ainsi, sur 100 médecins conventionnés, on trouvera 39 médecins de secteur 2 non CAS à Lyon contre 17 à Marseille. Et on en dénombrera respectivement 31, 28, 25 et 24 à Strasbourg, Nice, Grenoble et Bordeaux, mais pas plus de 10 à Saint Etienne, Toulouse, Lille et Nantes.
"Un pari risqué"
[[asset:image:10721 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["GARO\/PHANIE"],"field_asset_image_description":[]}]]Au final, les auteurs de cette petite enquête qui porte sur 6 millions d’actes facturés en 2015 auprès de 1,3 millions de personnes estiment que, loin, d’avoir corrigé les difficultés d’accès aux soins dans l’Hexagone, l’avenant n°8 et l’ANI ont compliqué la donne. Faute de choix, un bon nombre de patients sont contraints de consulter des praticiens secteur 2 hors CAS et seront donc moins bien remboursés demain qu’aujourd’hui. « La refonte du contrat responsable aboutira à des situations où le reste à charge des ménages augmentera, pouvant aboutir à des abandons de soins, » et particulièrement en chirurgie, prévient Mercer, qui ajoute qu’avec le CAS de surcroît , « un certain nombre de médecins, jusque-là interdits de dépassements, vont pouvoir les pratiquer. » On l'aura compris, l’assureur ne croit pas au double pari fait par les pouvoirs publics ces derniers mois pour limiter les dépassements : incitations sociales pour les praticiens qui signent le CAS et limitation de couverture pour les assurés qui consultent en secteur 2 hors CAS. « Vouloir pressuriser l’offre de soins en réduisant la capacité financière de la demande nous paraît être un pari excessivement risqué, dont les gagnants seront peu nombreux, », objecte Mercer, qui ne voit pas qui des médecins, des patients ou de la collectivité pourraient être bénéficiaires in fine du dispositif, …
Cette publication intervient moins d’une semaine après une autre, aussi documentée que polémique de l’UFC-Que Choisir présentant le CAS comme un coup d’épée dans l’eau. Un constat contre lequel la Cnamts comme la CSMF, signataires de l’avenant n° 8, se sont inscrits en faux. « Depuis la signature en octobre 2012 de l’avenant 8, le taux de dépassement « a baissé de 1 point par an », répond la première, qui précise que « la part des actes pratiqués sans aucun dépassement dans le secteur 2 a également progressé. » Quant à la Conf’, si elle concède que « le CAS est un dispositif à revisiter et améliorer », il a, selon elle "permis une diminution des compléments d’honoraires."
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