« Le financement à l’activité a abouti à des excès. Dans certains cas il a même conduit à perdre de vue un élément essentiel de tout système de santé : la pertinence des soins ». C'est avec ces mots que la ministre de la Santé et des solidarités Agnès Buzyn a rappelé ce mardi l'importance de « combiner » les différents modes de paiement et de sortir de la tarification à l'acte, en ville comme à l'hôpital. Elle recevait des mains du patron de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees-ministère de la Santé) Jean-Marc Aubert son rapport sur le financement commandé il y a près d'un an.
Sans grande surprise, les orientations de ce rapport sont dans la continuité des mesures annoncées par le gouvernement dans les deux dernières Lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), qui comprenaient des expérimentations en matière de forfaits et d'organisation dans le cadre de l'Article 51 de la LFSS 2018 et l'instauration de financements au parcours de soins en 2019 (lire notre dossier). Il faut désormais « accélérer le mouvement pour aboutir à des évolutions majeures d’ici 2022 », a assuré la ministre.
Vers des forfaits de suivi de pathologies chroniques
L'auteur du rapport estime lui aussi qu'il est temps de passer à la vitesse supérieure. « Ces 30 dernières années, les principales réformes de financement étaient assez limitées. Il y a eu l’introduction de la T2A et du forfait médecin traitant au début des années 2000, la ROSP pour les généralistes en 2009 mais ce sont des petites étapes si on regarde ce qui se passe à l’étranger, où des évolutions plus continues ont permis de suivre les évolutions épidémiologiques notamment », a déclaré Jean-Marc Aubert.
En ville, le rapport préconise donc d'instaurer pour les généralistes « des forfaits de suivi de certaines pathologies chroniques » qui se « substitueraient au paiement actuel à l'acte ». Actuellement, les forfaits représentent 13 % en moyenne de la rémunération des généralistes. Le document précise toutefois que l'acte resterait « majoritaire bien que moins important qu'aujourd'hui ». Le paiement à la qualité des soins et à la pertinence, déjà introduit dans la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) chez les généralistes doit aussi être renforcé selon le rapport.
Jean-Marc Aubert a rappelé qu'il sera important d'envisager un financement du travail en équipe et de la structuration des professionnels. Une discussion déjà engagée dans le cadre des négociations interprofessionnelles sur le financement des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Pour certaines pathologies chroniques (diabète, insuffisance rénale ou cardiaque…), le gouvernement prévoit que les soignants intervenant dans le parcours d'un même patient perçoivent un forfait global avec un nombre déterminé de consultations et d'examens en fonction de son niveau de gravité. Un « paiement groupé à la séquence de soins » est aussi envisagé pour certains actes (prothèse de hanche ou de genou), afin d'inclure dans la même enveloppe l'hospitalisation et la rééducation. Aucun calendrier sur la mise en place de nouveaux indicateurs ou de nouveaux forfaits n'a été annoncé pour l'heure.
Nomenclature rénovée tous les 3 à 5 ans
Ce virage vers plus de forfaits devrait s'accompagner par ailleurs d'une refonte de la nomenclature, qui contient aujourd'hui trop d'actes « environs 8 000 en France contre 5 000 en Australie par exemple », selon Jean-Marc Aubert. Ce dernier propose, pour les soins de ville, que les conventions professionnelles proposent « des trajectoires pluriannuelles par groupes d'actes et fondées, à compter de 2022, sur un programme de révision régulière des nomenclatures ». Tous les 3 ou 5 ans, les actes médicaux devront ainsi être revus.
La ministre se donne jusqu'en mars pour construire cette réforme du financement. Cette dernière se basera sur le rapport Aubert et sur les concertations menées auprès des acteurs de la santé. La tendance est au Grand débat national et Agnès Buzyn compte également organiser un forum pour que tous les Français, patients comme professionnels, puissent donner leur avis. Les conclusions des débats ont également vocation à figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, discuté à l'Assemblée à l'automne prochain.
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