Après avoir évoqué lors des séances précédentes le développement de la téléconsultation et la revalorisation de la visite, les partenaires conventionnels sont entrés jeudi dans le vif du sujet. L'Assurance maladie a en effet précisé ses propositions sur l'amélioration de la prise en charge des soins non programmés (SNP) – l’un des objectifs principaux fixés par le ministre de la Santé Olivier Véran dans le cadre de ces négos.
La nouvelle séance de négociation dédiée à l’avenant 9 de la convention médicale a tout d’abord permis de définir une fois pour toutes ce qu’était un acte de soin non programmé (SNP). Il s’agit de tout acte clinique (consultation ou visite) « réalisé après appel de la régulation libérale départementale en moins de 48 heures ». Et bonne nouvelle pour les praticiens de ville : les patients pourront passer directement par le 116 117, numéro unique des soins ambulatoires libéraux défendu à l’unisson par les syndicats, ou par le numéro de l’organisme de régulation libérale locale. « Ces organismes territoriaux feront partie intégrante du futur service d’accès aux soins (SAS) », explique le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. « Ils seront organisés de façon autonome », précise-t-il.
À noter que les consultations complexes et très complexes sont exclues du champ des soins non programmés, tout comme les actes réalisés auprès d’un patient dont le praticien est le médecin traitant désigné. Il sera également impossible de cumuler « avec les autres majorations dédiées aux soins urgents (MRT, MU) ou PDSA (permanence des soins ambulatoires) », souligne la Caisse dans un document présenté jeudi aux syndicats de médecins libéraux, dont Le Généraliste a eu copie. Et les praticiens seront tenus de facturer les soins non programmés au tarif opposable quel que soit leur secteur d’exercice.
2 080 euros par an si un MG dédie 5 % de son activité aux SNP
L’Assurance maladie a également formulé ses premières propositions de valorisation de cette activité. La Cnam propose ainsi l’instauration d’un forfait trimestriel progressif en fonction du nombre d’actes de SNP réalisés, avec un plafond fixé à 75 actes pour « éviter l’activité exclusive en soins non programmés ».
Le montant de ce forfait serait de :
- jusqu’à 90 euros (soit 6 euros par acte) par trimestre pour un médecin effectuant de 1 à 15 actes,
- jusqu’à 210 euros (soit 7 euros par acte) pour un médecin effectuant de 16 à 30 actes,
- jusqu’à 660 euros (soit 8,80 euros par acte) pour un médecin effectuant de 30 à 75 actes.
Pour donner une idée plus concrète des montants dont les généralistes pourraient bénéficier, la Cnam indique qu’un médecin qui prendrait en charge 25 demandes de SNP par trimestre (ce qui représente selon elle 2 % de « l’activité standard » d’un médecin généraliste), percevrait 170 euros par trimestre. S’il effectue 60 SNP sur trois mois (5 % de « l’activité standard » d’un MG), ce montant s’élèverait à 520 euros pour cette période, soit 2 080 euros par an. Théoriquement, sur les bases des chiffres avancés dans cette proposition, un médecin pourrait percevoir jusqu’à 2 640 euros par an pour son activité de soins non programmés.
85 euros par heure pour les régulateurs
Pour que les médecins généralistes libéraux bénéficient de ces financements, les actes de SNP devront être régulés par une organisation de régulation libérale départementale, à laquelle les médecins de famille participeront sur la base du volontariat. Ceux-ci auront la possibilité d’effectuer la régulation depuis leur cabinet ou à leur domicile.
Avec le système présenté par l'Assurance maladie, les médecins régulateurs percevraient 85 euros par heure. Ce montant correspond à la moyenne des forfaits d’astreinte versés dans le cadre de la permanence des soins, explique la Caisse. Il n’y aurait pas de plafond d’activité de régulation et les praticiens seraient rétribués « sur présentation des justificatifs par l’organisation chargée de la régulation, et de justificatifs des médecins (comme sur PDSA) ».
La Caisse prévoit aussi d'aider financièrement les médecins pour qu’ils s’équipent « des outils nécessaires à la réalisation des SNP régulés sur le territoire » (agenda partagé avec une fonction prise de rendez-vous) via l'ajout de 50 points supplémentaires (soit 350 euros) à l'indicateur « valoriser la prise en charge des soins non programmés dans le cadre d’une organisation territoriale régulée » du forfait structure.
3 millions d’actes de soins non programmés dès 2021 ?
Au total, la Cnam évalue à 13 millions le nombre d’actes médicaux qui pourraient être pris en charge chaque année dans le cadre de ce système, s’il était adopté. La caisse estime que 3 millions « d’actes cliniques de soins non programmés » pourraient être réalisés dès 2021. Et même 6 millions en 2022.
Mais pour cela, il faudrait que les syndicats de médecins libéraux acceptent de parapher l’avenant. Car pour l’heure, ni le système, ni les montants proposés ne les satisfont. « La proposition d’instaurer un forfait trimestriel progressif, (…) avec un maximum de 660 euros par trimestre, (…) n’est pas à la hauteur des enjeux des attentes des médecins généralistes », note le Syndicat des médecins libéraux (SML) dans un communiqué diffusé vendredi. L’organisation déplore que la caisse « tente de plafonner et limiter la rémunération des médecins libéraux ». Estimant que l’Assurance maladie est « trop timorée », le syndicat l’appelle à revoir sa copie. Le SML réclame une majoration de 15 euros pour « chaque consultation non programmée régulée », arguant du coût pour la collectivité de 200 euros d’un passage aux urgences injustifié.
Plaidant pour une majoration d’un montant similaire, le Dr Battistoni espère que le système proposé jeudi par la Cnam ne sera pas retenu. « Il valorise peu les actes, n’est pas attractif, souligne le président de MG France. De plus, il est complexe. Donc il n’est pas vendable. »
En outre, le Dr Battistoni regrette que ce système incite les médecins à faire un maximum d'actes de SNP. Favorable à l’instauration d’un plafond d’une vingtaine d’actes de SNP éligibles à une majoration, le praticien insiste sur la nécessité « d’impliquer le plus grand nombre de généralistes de façon à ce que la charge de travail complémentaire que représentent ces actes soit bien répartie ». « Si l’on prenait en charge en ville tous les passages aux urgences qui ne sont pas suivis d’hospitalisation, cela ne ferait qu’un acte supplémentaire par jour et par médecin, affirme-t-il. C’est un volume d’actes tout à fait acceptable s’il est bien réparti entre les généralistes, d’autant plus s’ils sont bien rémunérés pour cela. »
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