L'Assurance maladie ne semble pas vouloir rétropédaler sur la question d'une hausse « transversale » d'1,50 euro pour toutes les consultations (portant à 26,50 euros (N1) celle des généralistes). Pourtant, il y a deux semaines, cette proposition de la Cnam avait été vécue comme une « provocation » par les médecins.
Lors de séances bilatérales organisées les 16 et 17 février, l'Assurance maladie a de nouveau avancé cette proposition et confirmé que les autres augmentations tarifaires resteraient liées à l'entrée des médecins dans le contrat d'engagement territorial (CET), que beaucoup jugent trop « contraignant ».
Les tarifs des niveaux 2 et 3 dévoilés mais toujours rien sur le niveau 1
Les tarifs de niveau 2 et 3 auxquels pourraient accéder les médecins, sous réserve de leur engagement dans le CET, ont toutefois été dévoilés.
En ce qui concerne le niveau 2, le tarif des consultations, pour lesquelles « un temps supérieur ou une expertise » serait nécessaire, s'élèverait à 40 euros pour les généralistes.
Il s'agirait notamment des consultations pour les examens obligatoires de l'enfant de 0 à 2 ans. Même tarif pour les pédiatres. Hors contrat d'engagement, ce tarif serait valorisé d'1,50 euro, passant de 30 à 31,50 euros.
Le tarif de consultation de niveau 3 (pour les prises en charge les plus complexes) s'élèverait, quant à lui, à 60 euros.
Un tarif auquel les médecins traitants pourraient accéder notamment dans le cadre de la consultation annuelle (plafonnée à une fois par an et par patient) pour les patients de plus de 80 ans en ALD ou encore pour la première consultation d'inscription du patient en ALD. Le « strict minimum » pour la présidente du SML, le Dr Sophie Bauer, qui rappelle « que ce même tarif est déjà appliqué aux infirmiers de pratique avancée (IPA) ».
Ce tarif de 60 euros pourrait également être perçu par les médecins généralistes engagés dans le CET pour les trois consultations obligatoires de l'enfant avec certificat ainsi que pour les 10 examens obligatoires de l'enfant âgé de 0 à 2 ans.
Les pédiatres engagés dans le CET percevraient un tarif identique aux généralistes. (À noter qu'hors CET, le tarif actuel des généralistes pour ce type de consultations serait revalorisé d'1,50 euro, soit 47, 50 euros, conformément aux annonces de Thomas Fatôme).
En ce qui concerne le niveau 1 de consultation lié au contrat d'engagement territorial, aucun tarif n'a pour le moment été révélé...
Le contrat d'engagement territorial légèrement modifié
Par ailleurs, l'Assurance maladie avait, il y a quelques semaines, dévoilé les quatre items du CET (accès aux soins, accès aux soins urgents, accès financier, engagement populationnel), précisant que les médecins souhaitant s'engager dans ce dispositif devraient remplir au moins une mission par item.
Dans sa nouvelle proposition, l'Assurance maladie a présenté seulement trois items (augmentation de l'offre médicale, accès financier aux soins et participation aux besoins de soins du territoire)* mais avec deux cases à cocher pour ce dernier item. « Un tour de passe-passe passe » pour le Dr Sophie Bauer qui dénonce la volonté de la Cnam de « toujours vouloir corseter les médecins ».
De nombreux points de crispations pour les syndicats
Si le Dr Agnès Gianotti, présidente de MG France, reconnaît un « petit effort sur le forfait patientèle médecin traitant » avec une augmentation de 4 euros pour les patients de moins de 80 ans en ALD (passant ainsi à 46 euros), elle estime que le « compte n'y est toujours pas » sur le reste.
« J'avais pour mission de négocier le tarif de la consultation à 30 euros sans condition, je ne l'ai pas... L'absence de contrainte (avec le CET), je ne l'ai pas non plus... La consultation longue du médecin traitant, je ne l'ai pas vraiment non plus car elle est réduite à sa plus simple expression c'est-à-dire : une fois par an pour les patients de plus de 80 ans en ALD et en plus dans le cadre du CET. Et je n'ai rien non plus sur la visite ! », déplore la généraliste.
« Les décisions actuellement prises par l'État ne sont pas bonnes ; gouverner le système de santé par la contrainte n'a jamais marché et ne marchera pas ! », résume ainsi la praticienne.
De son côté le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes CSMF, reconnaît aussi certaines avancées comme « le fait d'étendre les assistants médicaux partout pour les généralistes » ou encore « la revalorisation de la consultation des enfants (dans le cadre du CET, ndlr) ».
Mais le généraliste se dit en revanche « très en colère » et regrette que les consultations pour les patients polypathologiques soient fixées au tarif de 40 euros dans le cadre du CET. « Cela ne correspond pas à notre travail ! Avec ces patients, les consultations ne font pas moins d'une demi-heure », insiste le médecin de famille mayennais, qui estime par ailleurs que le CET est à la fois « humiliant et infantilisant ».
Le président de l'UFML-S, le Dr Jérôme Marty, qui décrit une ambiance « particulièrement tendue » lors de la dernière séance de négociations tenue hier, s'interroge sur ce dispositif : « Alors qu'il manque des médecins sur une majorité du territoire, et que ceux-ci tiennent à bout de bras le système malgré une moyenne d’âge de 53 ans et des temps de travail moyens au-delà de 50 heures par semaine, l'Assurance maladie a-t-elle les moyens de négocier par l'obligation à faire plus pour tarifer plus ? »
Pour le Dr Sophie Bauer, les propositions de la Cnam « sont tout sauf libérales ».
« C'est encore un ensemble de contraintes supplémentaires ! La revalorisation d'1,50 euro des consultations dont Monsieur Fatôme s'enorgueillit est très loin d'être à la hauteur de nos attentes. La nouvelle nomenclature portée dans le cadre du CET est aussi très loin du compte, pour les spécialistes notamment ! Ces revalorisations sont loin de rattraper l'inflation et les sept ans sans revalorisation », regrette la chirurgienne.
De son côté, le Dr Corinne Le Sauder, qui a rencontré Thomas Fatôme ce vendredi, rapporte « un climat plutôt apaisé ».
« Il y a quelques avancées et des propositions chiffrées. Toujours est-il que les mesures contraignantes liées au CET sont toujours présentes. Nous souhaitons que l'augmentation de la consultation de base soit très supérieure à 26,50 euros et que le niveau 1 ne soit pas conditionné au CET », insiste la généraliste.
Lors de la prochaine séance plénière qui doit avoir lieu du 22 au 23 février, l'Assurance maladie devrait proposer sa dernière copie aux syndicats. Mais dans l'état actuel des choses, la signature de la nouvelle convention n'a jamais été aussi incertaine...
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