La Mutualité Française présente ce mois de février un double visage. Côté pile, la FNMF vient de publier les conclusions de son enquête de satisfaction annuelle réalisée auprès de plus de 20 000 patients de centres de santé mutualistes. Et pour cette 10e édition, les résultats de satisfecit sont sans appel! Plus de neuf patients sur dix (92 %) plébiscitent « le professionnalisme des équipes soignantes, leur sens de l’écoute et la qualité des informations et explications médicales reçues ». Encore plus fort, « 95 % des patients interrogés jugent les conditions d’hygiène et de sécurité optimales ». À l’arrivée, 74 % des personnes interrogées recommandent les centres de santé mutualistes « quand il faut aller chez le médecin ».
Fort de ces succès qualitatifs chiffrés, le lobby mutualiste en appelle aux pouvoirs publics… pour assurer la pérennité économique de ses centres de santé qui remplissent une mission de service public d’accès aux soins dans les territoires, aux tarifs opposables et avec le tiers payant intégral « qui évite l’avance de frais ».
Déficit et licenciements de médecins
Car, côté face, sur le terrain, ce plébiscite peut se payer au prix fort et le mouvement mutualiste doit parfois gérer le déficit d’exploitation de ses antennes. Quitte à envisager de licencier des médecins salariés qui y exercent, du moins ceux qui ne sont pas « rentables ».
À Reims, c’est un article de l’hebdoduvendredi.com qui a révélé le pot aux roses début février. En 2019, dans cette ville, la Mutualité Française inaugurait un tout nouveau centre de santé. Mais aujourd’hui, quatre ans plus tard, la structure doit s’organiser et procéder à une réorganisation interne pour faire face à un déficit estimé à 1,5 million d’euros en 2023. Sont ici visés 21 postes, médicaux comme administratifs. Dans la Marne, ce sont trois généralistes qui se retrouvent ainsi sur la sellette, un à Reims et deux à Châlons. « On échange avec eux depuis novembre (…) 90% de nos recettes proviennent des tarifs réglementés décidés par la Sécurité sociale. Ils ont augmenté d’1,50 euro en novembre, mais n’avaient pas évolué depuis 2017 », explique à l’hebdoduvendredi, le directeur général du service de soins et d’accompagnement mutualiste (SSAM). Et ce dernier de conclure, argument financier à l’appui, que l’envolée des charges du centre de santé ne peut être compensée par une hausse de son activité. Or, « celle des trois médecins dont on parle ne dégage pas suffisamment de recettes pour couvrir leurs salaires et les charges afférentes », explique le même directeur. Et ce, malgré l’appui financier de l’agence régionale de santé (ARS) pour soutenir le centre.
Déficit structurel ?
Il n’en a pas fallu davantage pour que l’UFML-S s’engouffre dans la brèche et dénonce le financement à perte « des centres de santé plombés par un système structurellement non rentable », qui ne fait preuve « d’aucune égalité de traitement avec la médecine libérale ».
Dans ce contexte, l’hypothèse d’un paiement intégral à la capitation (forfait par patient suivi) serait-elle le moyen de résoudre une équation budgétaire toujours insoluble pour ces structures régulièrement en déficit structurel, comme l’analysait l’étude ACE Santé publiée en décembre dernier ? En tout cas, la Mutualité Française réclame des crédits supplémentaires, « par exemple sur les modèles des missions d’intérêt général à l’hôpital » [Migac] tout en rappelant qu’un plan de soutien a été annoncé par la précédente ministre chargée de la Santé. « Il est urgent d’en définir le contenu », rappelle la FNMF, forte de ses 577 centres fréquentés par quelque deux millions de patients.
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