L'Assurance maladie a indiqué pour la première fois ce mercredi comment elle comptait financer le développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Lors de cette séance de négociation conventionnelle, le directeur de la CNAM Nicolas Revel a présenté aux représentants syndicaux trois niveaux de rémunération en fonction de la taille du regroupement de professionnels.
L'Assurance maladie n'a pas divulgué le montant de l'enveloppe globale allouée au financement des CPTS mais a fixé des objectifs et des indicateurs de résultats pour chacune des 4 missions socles des CPTS (accès à un médecin traitant, soins non programmés, organisation des parcours et prévention, voir tableau ci-dessous).
Sur la base de ces premières pistes, les syndicats de médecins libéraux sont unanimes à la sortie de ce deuxième temps d'échange : les chiffres présentés hier ne sont selon eux pas à la hauteur des enjeux de coordination et d'organisation des professionnels dans ces structures. Ils réclament donc plus de moyens.
Manque d'ambition
« Les montants proposés sont bas comparés aux objectifs que veut imposer l'Assurance maladie pour décrocher ces subventions », estime le président des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel. Son homologue de MG France le Dr Jacques Battistoni s'étonne que la CNAM ait d'emblée annoncé des chiffres : « Nous ne nous y attendions pas mais clairement on s'interroge sur la volonté des pouvoirs publics. Nous n'arriverons pas aux objectifs affichés avec ces moyens limités. » Nicolas Revel joue-t-il "petits bras" pour faire monter les enchères dans les réunions à venir ? Le président de MG France est catégorique : « il n'y aura pas d'action des professionnels sans argent mis sur la table ». Il craint par ailleurs qu'avec un cahier des charges trop strict, les indicateurs cibles ne soient pas atteints et que les pouvoirs publics « demandent à l'hôpital de gérer les CPTS ».
Pour augmenter le nombre de patients ayant un médecin traitant et améliorer les soins non programmés, l'enveloppe doit donc être revue à la hausse. Pour le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, le calcul est vite fait : « Avec 66 millions de Français répartis, dans nos rêves les plus fous, dans 2 200 CPTS de 30 000 habitants, cela correspond à un investissement de 90 millions d'euros par an soit royalement 22 centimes d'euro par habitant et par an si l'enveloppe reste la même », a-t-il lancé au directeur de la CNAM en séance.
40 000 euros pour la coordination
Un financement insuffisant aussi pour assurer la fonction de coordination selon le président de la FMF : « On est loin du compte si on veut retrouver du temps médical, donner envie aux jeunes de s'installer et instaurer des groupes qualités interpro pour améliorer la prévention » commente-t-il. La CNAM propose 40 000 euros par an pour chaque CPTS, peu importe la taille. « Nous allons militer pour mettre un indicateur de taille là aussi et prendre en compte le nombre de professionnels adhérents à la structure », poursuit le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. « Il en faudrait au moins le double ! s'exclame le Dr Philippe Vermesch, président du SML. Quand il va falloir rémunérer un ingénieur informatique pour gérer le RGPD et le numérique, avec 40 000 euros ce sera short », ajoute-t-il.
« Cela semble peu pour un temps plein au vu du travail que cela représente », complète le Dr Yannick Schmitt, président du syndicat ReAGJIR (jeunes généralistes installés et remplaçants). Les représentants de jeunes médecins ne sont pas invités à la table de ces négociations interpros mais suivent de près ce dossier. Le généraliste alsacien trouve qu'il serait préférable de « rémunérer l'amorçage de la CPTS qui demande beaucoup de temps aux gestionnaires de projets, d'autant plus que les aides locales sont à géométrie variable ». L'Assurance maladie a décidé de laisser cette phase de construction du projet de santé au Fonds d'intervention régional (FIR) des ARS et aux collectivités locales.
Concernant les missions socles, la prévention, à mettre en place dans les 2 ans après la création de la CPTS (prévention des risques iatrogènes, de la perte d’autonomie, de l’obésité...), ne fait pas l'unanimité. Le Dr Schmitt estime qu'il fallait « au moins ça ». A la CSMF, il ne faudra pas que cette mission ajoute des contraintes trop lourdes aux structures en développement. « La prévention va forcément faire partie des CPTS mais plus on met de missions socles au départ, plus on charge la barque », martèle le Dr Ortiz. Son confrère le Dr Duquesnel milite également pour que les objectifs de cette mission soient plutôt « fixés à 4 ans ».
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