Avec sept millions de Français dépourvus de médecin traitant, les infirmiers accentuent la pression : la profession a revendiqué ce jeudi un « accès direct », particulièrement dans les déserts médicaux. « Dans les territoires où il n’y a pas de généralistes, il faut que les patients puissent avoir accès au système de soins. Et les infirmiers sont aussi les derniers professionnels à aller à domicile des patients », a souligné Sylvaine Mazière-Tauran, lors d’une conférence de presse. « Aujourd’hui, ajoute la présidente de l’Ordre des infirmiers, il y a des patients qui sont en retard dans leur prise en charge car on attend d’avoir les bonnes prescriptions alors que les infirmiers sont en capacité de le faire. »
S’appuyant sur une enquête réalisée par l’institut de sondage Elabe, l’institution explique qu’une telle évolution du métier est réclamée par la population. Au regard des difficultés d’accès aux soins, 64 % des Français attendent que soit mis en place un accès direct aux infirmiers. Et 61 % souhaitent que ces paramédicaux puissent « assumer davantage de responsabilités dans la prise en charge des patients, notamment quand ces derniers n’ont pas de médecin traitant ». Enfin, 54 % aimeraient qu’une autonomie accrue leur soit accordée pour organiser le suivi des soins dans la proximité.
Un bilan de perte d’autonomie
Pour valoriser « la reconnaissance des compétences » des infirmiers et leur donner ce rôle élargi, l’Ordre mise sur la future loi infirmière annoncée par Michel Barnier dans son discours de politique générale début octobre. Selon l’Ordre, ce texte entérinera plusieurs avancées en ce sens. Outre l’accès direct, l’organisation revendique « la création de consultations infirmières » pour accompagner les patients dans diverses situations. Pour une patiente âgée en perte d’autonomie, « l’infirmier peut commencer à faire un bilan de perte d’autonomie et prescrire des actions de soins d’accompagnement », illustre la présidente de l’Ordre.
Cette montée en compétences passe aussi par la reconnaissance dans la loi de la « notion de diagnostics infirmiers, utilisée dans le monde entier », plaide la présidente de l’Ordre. « Cela fait l’objet de nomenclature validée de façon internationale, ajoute-t-elle. Les infirmiers mobilisent ces diagnostics pour identifier les problèmes de santé des patients et apporter les réponses. »
Et pour aller encore plus loin dans cette évolution professionnelle, l’Ordre appelle le législateur à reconnaître de nouvelles compétences en termes « de prescription et d’actions de prévention ». Si la vaccination et la prise en charge des plaies sont actées, les auxiliaires médicaux devraient pouvoir être « plus autonomes » dans les actions de dépistage. « Aujourd’hui, les infirmiers n’ont pas d’autonomie sur le dépistage du cancer colorectal », cite Sylvaine Mazière-Tauran. La prescription est déjà autorisée dans quelques domaines : substituts nicotiniques, dispositifs médicaux, contraceptifs oraux en renouvellement, pansements.
Qu’en penseront les médecins ?
« Ce n’est pas une question de concurrence ! », s’empresse d’ajouter la présidente de l’Ordre infirmier, qui plaide pour une collaboration constructive entre les soignants. Reste que l’offensive infirmière risque de raviver certaines tensions avec les représentants des médecins libéraux. La profession médicale s’est régulièrement opposée au risque de « vente à la découpe » des missions du médecin traitant.
Dernièrement encore, la première version du décret relatif aux conditions de l’accès direct et de prescription initiale des infirmiers en pratique avancée (IPA) avait provoqué un tir de barrage des médecins, aboutissant à sa réécriture. Le débat ne fait que commencer.
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