Ambiance tonique mercredi soir au siège parisien de la CSMF, premier syndicat de médecins libéraux. Son patron attendait avec impatience ses deux ministres de tutelle Catherine Vautrin (Travail, Santé, Solidarités et Familles) et Yannick Neuder (Santé et Accès aux soins). « Malgré leur agenda très chargé, ils ont tous les deux accepté notre invitation, s’est réjoui le Dr Franck Devulder. C’est déjà un signal fort pour la médecine libérale. »
Au lendemain du discours de politique générale du Premier ministre, où la santé a été abordée à grands traits avec quelques annonces (hausse de l’Ondam 2025, abandon du déremboursement des consultations), ces vœux confédérés ont surtout été l’occasion pour la centrale polycatégorielle de pousser ses pions avec la volonté d’ouvrir une nouvelle page pour la médecine libérale.
La nouvelle convention médicale signée en juin ? La CSMF a pris un « risque politique » et « s’est mouillé la chemise » mais « le choc d’attractivité tant espéré n’y est pas », a souligné le gastroentérologue, souhaitant amplifier la dynamique. Le patron de la Conf’, offensif, a évoqué pêle-mêle la « reconnaissance de l’expertise médicale, un choc de simplification et une politique courageuse sur la prévention ».
La sécurité des soignants doit participer à ce choc d’attractivité. La récente agression violente de plusieurs soignants aux urgences de l’hôpital privé d’Annemasse était dans tous les esprits et la CSMF soutient la politique de « tolérance zéro » affichée par le ministre Yannick Neuder lors de ses vœux à l’Ordre des médecins. « Il est temps de prendre les mesures nécessaires, presse le président de la CSMF. La population doit être informée qu’il y aura des peines aggravées en cas de violences contre les soignants, à l’instar de ce qui existe pour les forces de l’ordre ». Au-delà des agressions physiques, les plus graves, la centrale voudrait que le gouvernement s’attaque à « l’incivilité croissante » des patients, qui pourrissent les conditions d’exercice. « Il y a encore 28 millions de rendez-vous non honorés, estime le Dr Devulder. Gabriel Attal avait proposé une taxe lapins. Je ne suis pas fan de la taxe mais finalement si cela pouvait servir… »
Pour faire face aux difficultés d’accès aux soins, la médecine libérale est prête à prendre sa part, sous réserve que les engagements soient équilibrés. Dans ce cadre, la CSMF appelle les ministres à prendre des mesures pour encourager les médecins retraités à maintenir leur activité avec le cumul emploi retraite. Et pas question de cotiser à fonds perdu : « La philosophie de la CSMF est assez simple : il n’y a pas de cotisations sans obtenir des droits nouveaux. »
Quant aux plus jeunes, le syndicat soutient la mise en place de l’assistant territorial, une réforme défendue par la Conférence des doyens, l’Ordre et des syndicats de jeunes médecins. « Qu’on valorise leur engagement, soit par l’accès à des échelons plus élevés dans une carrière hospitalière, soit par un espace de liberté tarifaire qui doit être solvabilisé par l’assurance-maladie obligatoire et les complémentaires », avance le Dr Devulder.
Imagerie, biologie : rediscuter des mesures qui fâchent
Pour engager des réformes structurelles du système de santé, que la CSMF appelle de ses vœux, il faudra des moyens supplémentaires. Sur ce plan, la hausse de l’Ondam 2025 (à 3,3 % au lieu de 2,8 %), annoncée par le premier ministre, est « entendue ». Toutefois, les ministres ont surtout évoqué depuis deux jours des crédits supplémentaires fléchés vers… l’hôpital. « La médecine de ville aura-t-elle son coup de pouce ? s’est interrogé le Dr Bruno Perrouty, président des Spécialistes-CSMF, à l’unisson de ses confrères. « Il faut des moyens et on en est bien conscient », a admis Catherine Vautrin, soucieuse surtout de la situation financière actuelle. « La censure nous coûte 175 euros par Français, soit 12 milliards d’euros. C’est loin d’être négligeable. »
À ses côtés, Yannick Neuder s’est employer à rassurer les médecins sur les irritants qui figuraient dans le budget de la Sécu censuré. Par exemple, le cardiologue est ouvert à « rediscuter » de l’article qui conditionne le remboursement de certaines prescriptions (biologie, imagerie, transports) à la présentation d’un formulaire établi par les prescripteurs, au prétexte de l’efficience médicoéconomique. « Moi, je ne suis pas inquiet lorsque l’efficience des soins vient de la base, a-t-il glissé. Je ne souhaite pas une efficience imposée qui serait une lourdeur administrative et qui n’irait pas dans la pratique courante ».
En écho à la requête de la CSMF, l’ancien rapporteur du PLFSS se dit prêt à travailler sur le cumul emploi retraite. Une des questions concerne précisément l’exonération de cotisations des médecins en cumul. Yannick Neuder estime avoir trouvé un compromis « pour permettre un juste équilibre ne vidant pas les ressources de la Carmf et qui soit suffisamment incitatif pour les médecins qui souhaitent poursuivre une activité ».
Pour faire ces réformes, on est prêts à rester avec vous dans le temps long…
Yannick Neuder, ministre de la Santé, aux vœux de la CSMF
S’adressant enfin aux représentants des jeunes médecins présents aux vœux, le ministre a dit comprendre leur « inquiétude légitime » au sujet de la réforme de la quatrième année d’internat de médecine générale, mais sans pour autant la reporter. « Nous allons travailler avec le ministère de l’Enseignement supérieur pour qu’on puisse accompagner les jeunes qui arrivent », a-t-il recadré.
Quant à la sécurité des soignants, si la tolérance zéro devra effectivement se traduire par des actions fortes au niveau du ministère de la Justice et de l’Intérieur « pour que cela soit dissuasif », le ministre a prévenu qu’il faudrait « faire attention aux profils des agresseurs ». « Dans 30 % des cas, ce sont des patients atteints de problèmes psychiatriques et la prise en charge n’est pas la même », a-t-il ajouté.
Bien conscient que le monde médical a désormais besoin de perspectives et de stabilité, Yannick Neuder a affirmé vouloir inscrire son action… dans la durée, alors que les ministres de la Santé tombent les uns après les autres (sept au cours du deuxième mandat Macron). « Pour agir et faire ces réformes, on est prêts à rester avec vous dans le temps long », a ironisé l’ancien député, arrachant quelques rires à son auditoire.
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