Les généralistes libéraux ne veulent plus (autant) s’investir en dehors de leur temps de travail au cabinet médical. La preuve la plus flagrante de ce désamour en est la chute de la participation à la permanence des soins ambulatoires, qui est passée de 73 % en 2012 à 40 % en 2024, selon les chiffres de l’Ordre des médecins (même si ce taux de volontariat est désormais stabilisé).
C’est ayant cette statistique en tête que la Dr Cécile Angoulvant, régulatrice médicale dans la Sarthe, a présenté une thèse originale lors du dernier congrès de la médecine générale (CMGF). L’objet de son enquête, réalisée dans le Maine-et-Loire entre juin 2020 et juin 2021 sous la forme de 14 entretiens avec des généralistes, était notamment d’explorer les représentations des médecins qui ne participent pas à la régulation médicale dans le cadre de la PDS.
Risque de contentieux et ressenti anxieux
Dans cette enquête, les médecins jugent que la régulation médicale est une activité bien distincte de l’activité clinique habituelle, ce qui ne les rassure pas. Très exigeante, elle engage une forte responsabilité, avec un risque d’« erreurs qui peuvent mener à des procès », admet la Dr Angoulvant.
C’est également une source d’anxiété générée par l’obligation de prendre des décisions rapidement, sans examiner les patients en colloque singulier. Les praticiens interrogés évoquent aussi la pression du travail, avec « des collègues envahis par les appels en attente », et des problématiques organisationnelles (gestion de planning, éloignement géographique pour aller au centre 15) qui perturbent leur journée de travail classique.
Ce ressenti anxieux a fait écho aux difficultés rencontrées dans la vie réelle par des généralistes régulateurs présents au congrès. Le manque de volontaires pour la permanence des soins ambulatoires les contraints parfois à réguler dans la solitude. « Nous sommes au maximum deux régulateurs, mais toujours seuls sur la tranche 13-18 heures ou la nuit, témoigne une généraliste qui exerce à Saint Étienne. Conséquence, certains préfèrent s’abstenir. Au total, le nombre idéal de régulateurs pour assurer le planning serait de 48 alors que nous ne sommes que 35. Un de nos deux jeunes médecins, très anxieux, a réalisé trois gardes puis a jeté l’éponge. »
Confusion des genres
L’afflux d’appels peut également décourager les plus aguerris. « Le nombre de régulateurs est en train de s’effondrer, déplore un médecin de l’Eure. Ce n’est pas tant le contenu du travail que le volume d’appels. De nuit, nous sommes passés de six ou sept appels à 20 ou 25. C’est un enfer, ça sonne tout le temps. J’ai arrêté de réguler la nuit. »
Les territoires ne sont pas non plus tous logés à la même enseigne. Par exemple, le flux des appels est beaucoup plus abondant dans la Sarthe, qui recense 300 généralistes et aucun CHU, que dans le Maine-et-Loire, qui compte 1 000 généralistes et un CHU à Angers. Or, la Sarthe ne compte que trois médecins maximum qui régulent les appels au même moment quand le Maine-et-Loire peut monter ses effectifs jusqu’à cinq médecins en simultané.
Autre frein : le manque d’informations sur le fonctionnement même de la régulation. Au congrès, une généraliste de l’Hérault raconte son désarroi : « Quand j’ai voulu participer à la PDSA, je me suis rendu compte que je n’avais pas la bonne définition de la chose. Je pensais qu’il s’agissait de participer aux gardes des maisons médicales de garde qui, sur notre territoire, ne sont pas du tout régulées par le 15 [de façon dérogatoire, NDLR]. J’étais à côté de la plaque. »
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