Les généralistes deviennent des habitués dans l’art de se faire poser des lapins. Pour la plupart d’entre eux c’est même leur lot quotidien. L’URPS-ML Ile-de-France a mené une enquête auprès de 2 822 médecins libéraux sur les rendez-vous médicaux non honorés et les demandes de soins non programmés. Il en ressort que 75 % des généralistes disent avoir de un à deux rendez-vous non honorés par jour et 16 % plus de trois.
Malgré ces chiffres déjà éloquents, les généralistes semblent parmi les spécialités les mieux loties par rapport, par exemple, aux radiologues, aux ophtalmologues ou aux dermatologues. « Les patients vont moins faire faux bond à leur médecin traitant qu’ils connaissent qu’à un spécialiste avec qui ils ont pris rendez-vous il y a trois mois. Ils préviendront sans doute davantage le généraliste?», commente l’ORL Jean-Michel Klein, coordonnateur de la commission accès aux soins à l’URPS Ile-de-France.
Dans une enquête précédente de l’URPS Franche-Comté, les généralistes estimaient avoir 4,2 rendez-vous non honorés de façon hebdomadaire. Le phénomène semble donc s’aggraver, même si les particularités propres à chacune des deux régions peuvent aussi expliquer cette différence de chiffres. Face à cette perte de temps quotidienne, les médecins tentent de s’organiser. Si, toutes spécialités confondues, les médecins sont 59 % à avoir mis en place un système de rappel téléphonique, par mail ou SMS, les généralistes semblent majoritairement privilégier aujourd’hui le surbooking. Ils vont doubler les rendez-vous sur certains créneaux horaires pour anticiper les presque inévitables lapins de certains patients.
Une majorité de médecins préconisait, dans l’enquête de 2013 de l’URPS Franche-Comté, de faire payer les patients qui ne venaient pas, une idée que rejette catégoriquement le Dr Klein : « Faire payer n’est pas la solution ». « Souvent ceux qui ne viennent pas sont des nouveaux patients. C’est donc absurde et peu réaliste de faire payer quelqu’un qui ne s’est pas présenté et qu’on ne connaît ni d’Eve ni d’Adam, ajoute José Clavero, généraliste à Paris.
Ce qu’il faut, c’est éduquer la population mais cela prend du temps. Moi, quand je prends rendez-vous avec un nouveau patient, je l’interroge toujours avant au téléphone et je ne le programme jamais à des horaires inhabituels, c’est-à-dire tôt le matin ou tard le soir », explique ce secrétaire général adjoint de l’URPS Ile-de-France. Les médecins le reconnaissent, être prévenus deux heures avant suffit à réorganiser une consultation, « mais même une demi-heure avant, c’est toujours plus confortable de savoir pour nous. Ce n’est pas un devoir, c’est juste normal pour le patient de prévenir », souligne le Dr Bruno Silberman, président de l’URPS Ile-de-France.
Gérer les urgences quotidiennes
Autre volet de l’étude de l’URPS, les demandes de soins non programmés concernent particulièrement les généralistes. Alors que, toutes spécialités confondues, les médecins sont 74 % à en recevoir de 0 à 5 par jour (et 26 % de 6 à 10), les généralistes sont, avec les pédiatres, les médecins qui y sont le plus confrontés. 43 % des généralistes en reçoivent de 6 à 10 par jour et 57 % jusqu’à 5 quotidiennement. Ils vont privilégier les plages de consultations libres sans rendez-vous pour caler ces rendez-vous impromptus. « En tant que généraliste il faut apprendre à gérer l’urgence, mais il faut aussi savoir dire non, quand, en plus de l’urgence, le patient va vouloir vous parler d’un ou deux autres motifs de consultation », explique José Clavero.
Mais, dans l’ensemble, les généralistes vont répondre à ces urgences de manière assez rapide. Alors que les autres spécialités (hors pédiatre) répondent à ces demandes sous 72 heures pour 44 %, les généralistes les traitent sous 24 heures pour 65 %. « Aujourd’hui il existe quand même un vrai malaise chez certains généralistes qui vont passer du temps au téléphone avec les patients pour faire de la régulation parce que, quelque part, ils se culpabilisent de ne pas pouvoir voir ces patients », ajoute le Dr Clavero. Alors que la région souffre d’une pénurie de généralistes, ces phénomènes sont aussi amplifiés par le fait que de nombreux généralistes refusent de prendre de nouveaux malades.
Entre les patients qui se décommandent et ceux qui s’invitent sans prévenir, l’idéal serait, bien sûr, qu’il y ait synchronisation. Comme ce n’est malheureusement pas le cas, l’URPS Ile-de-France est désireuse d’engager une réflexion sur le sujet, « réflexion qui intègre un dialogue avec les patients », pour éviter que « la réponse soit les urgences ».
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