L’iatrogénie médicamenteuse constitue depuis longtemps l’une des causes de recherche de responsabilité des médecins, et notamment des médecins généralistes.
A titre d’exemple, on peut citer les prescriptions d’anticoagulants et d’AVK qui donnent lieu à des réclamations pour sur ou sous dosages, les complications des médicaments à marge thérapeutique étroite comme les morphiniques, les traitements par corticoïdes lorsqu’une surveillance de la fonction rénale n’a pas été réalisée, de rares mais terribles syndromes de Lyell...
Le «non substituable» doit être justifié
La jurisprudence a toujours eu l’occasion de rappeler ou de fixer des règles applicables aux conditions de prescription.
Tout récemment, un arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 31 mai 2018 a posé le principe selon lequel le recours à une prescription de médicaments portant la mention «non substituable», empêchant ainsi la substitution par le pharmacien, doit être justifiée par le médecin prescripteur et non par la caisse d’assurance maladie.
Sans remettre en cause le principe de la liberté de prescription du praticien, la Cour de cassation a rappelé que cette liberté est encadrée par les dispositions de l’article L. 5125-23 alinéa 3 du code de la santé publique selon lesquelles la mention « non substituable » doit être expresse et manuscrite, et enfin être justifiée par des raisons particulières tenant au patient. En cas de contestation, il incombe au médecin prescripteur de justifier son choix.
Le «hors AMM» davantage encadré
Mais incontestablement les derniers scandales ou crises sanitaires liés à la prescription du Médiator, des pilules contraceptives, de la Dépakine ont mis en lumière des cas de figure dans lesquels la responsabilité des praticiens était susceptible d’être recherchée à grande échelle.
C’est de façon fréquente qu’à l’occasion de ces affaires, la question de la licéité des prescriptions hors AMM est posée.
Si la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé a légalisé les prescriptions hors AMM, elle a en revanche posé des conditions strictes pour que leur validité soit reconnue.
Comme nous l’avons précisé ci-dessus, le praticien bénéficie en principe d'une liberté de prescription (article R. 4127-8 du code de la santé publique), mais d’une liberté qui est encadrée.
Une prescription hors AMM peut paraître par principe suspecte dans la mesure où elle sort d’un cadre défini. Il en résulte que cette prescription hors AMM n'est pas par principe illégale ou fautive, mais elle sera considérée comme telle si elle ne respecte pas les conditions posées par l’article L 5121-12-1 CSP.
Selon ce texte, « une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché » si les conditions suivantes sont réunies. Il n’existe pas d’alternative médicamenteuse bénéficiant d’une AMM ou d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) ; Il existe toutefois une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) établie par l’ANSM.
Dans la négative, le prescripteur doit justifier que :
- le traitement est reconnu comme efficace et non dangereux par la communauté et la littérature scientifiques,
- son indication est « indispensable » au regard de l’état du patient, de sa demande et des connaissances scientifiques du moment.
Le prescripteur doit en outre informer le patient de l’absence d’AMM de la prescription, de l’absence d’alternatives thérapeutiques, des bénéfices attendus et des risques ou contraintes du médicament mais aussi des conditions de prise en charge par l’assurance maladie.
L’ordonnance doit comporter la mention spécifique : « prescription hors autorisation de mise sur le marché ». Enfin, la prescription doit être inscrite et motivée dans le dossier médical du patient.
Le respect de toutes ces conditions apparaît ainsi fondamental pour l’appréciation de la validité de la prescription hors AMM.
Pour terminer sur un dernier conseil de prévention, nous avons pu apprécier que la question de la pertinence des soins se posait dans 5% des sinistres déclarés en médecine générale à MACSF-le Sou Médical. Absence de prise en compte des contre-indications médicales lors de la prescription des traitements, prescription à l’aveugle sans confirmation étiologique ou sans réflexion concernant une antibiothérapie raisonnée en l’absence d’antibiogramme, renouvellements d’ordonnance systématiques sans réévaluation du patient ou sans avis spécialisé en cas de traitement prescrit par un spécialiste sont des griefs qui apparaissent dans les plaintes et qui pourraient être prévenus.
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