« Je suis MG dans un pôle médical. J’exerce seul en retraite active. J’ai 67 ans. Mes voisins, deux généralistes de 70 et 72 ans prennent leur retraite, fin d’année. Il n’y a pas de successeurs et 3 000 patients vont se retrouver sans médecin. À l’aide ! », peut-on lire sur X (anciennement Twitter) depuis le week-end dernier.
L’auteur mulhousien de ce SOS, le Dr Patrick Vogt, aura « très bientôt » l’âge qui coïncide avec le numéro du département dans lequel il exerce depuis maintenant 37 années. « Je suis en bonne santé et ne pense pas arrêter mon exercice avant quatre-cinq ans », rassure le généraliste. Avant de partager son inquiétude pour les patients de ses confrères : « que vont devenir les milliers de patients qui, du jour au lendemain, n’auront plus de médecins d’ici décembre », s’alarme l’enfant du pays, installé dans le quartier populaire de Dornach à Mulhouse (Haut-Rhin). La situation est d’autant plus désolante qu’il s’agit d’une patientèle désemparée constituée pour l’essentiel de personnes âgées, de gens dépendants, en affection longue durée (ALD), ou de résidents d’Ehpad. « Tous les jours, je reçois cinq à dix coups de fil de personnes qui me demandent si je peux les prendre comme médecin traitant et je suis obligé de refuser. Parce que mon volume d’activité est déjà tel qu’il ne me permet tout simplement pas de prendre de nouveaux patients », déplore le praticien. Qui est aussi passablement remonté contre les tutelles régionales et sa municipalité.
Catastrophe annoncée
« Ces départs à la retraite successifs, c’est un mouvement qui ne date pas d’hier à Mulhouse. Pour résumer, la moitié des médecins de la ville ont plus de 55 ans, dont une grosse partie se situe plutôt dans la tranche d’âge 60-65 ans. N'aurait-on pas pu anticiper ce phénomène ? Résultat, il y a d’énormes quartiers populaires de Mulhouse pour lesquels il n’y a plus de médecins généralistes », s’agace le Dr Vogt. Ce n’est pourtant pas faute, avec certains confrères, de tirer la sonnette d’alarme depuis des années. C’est bien simple, outre leurs interventions ponctuelles dans la presse locale, ils pensent avoir toqué à toutes les portes : l’ARS, l’Assurance-maladie, la mairie. Avec pour seul résultat de voir leur diagnostic, partagé. « Or si rien n’est fait rapidement, la situation qui n’est guère brillante va véritablement devenir catastrophique », prévient-il.
Je suis MG dans pôle médical.J’exerce seul en retraite active,j’ai 67 ans.Mes voisins,2 généralistes de 70 et 72 ans prennent leur retraite fin d’https://t.co/DePlTz1Xzt n’y a pas de successeurs et 3000 patients vont se retrouver sans médecin.
— Patrick VOGT (@vogt_patrick) November 11, 2023
A l’aide !#medecinegenerale
Mulhouse, nouvelle terre d'accueil
Sans avoir trouvé LA panacée, le Dr Vogt pense néanmoins savoir quels leviers actionner pour essayer d’attirer la jeune génération sur un territoire mulhousien qui souffre pour partie de l’attrait de sa « rivale » du Bas-Rhin. « C’est l’effet attractif du CHU et de Strasbourg même, qui est une belle ville, la capitale de l’Europe », reconnaît, beau joueur, Patrick Vogt. Mais pourquoi, alors ne pas « vanter » également tous les attraits de Mulhouse, de son territoire, et les faire découvrir aux internes et jeunes remplaçants. « Nous sommes une ville de taille moyenne qui est très agréable à vivre, très bien située et qui a beaucoup d’atouts. Il y a les Vosges à côté, le Jura pas loin, la Suisse, l’Allemagne, nous sommes dotés d’un aéroport international qui dessert de nombreuses destinations en Europe… Il faut consacrer de vrais moyens financiers pour le faire savoir », affirme le médecin de famille qui s’improvise, pour l’occasion, guide touristique.
Internes et jeunes médecins bienvenus
L’autre volet sur lequel il conviendrait également de « mettre le paquet », concerne la facilitation, au quotidien, de la vie des internes et des jeunes médecins sur le territoire. « J’avais alerté les adjoints à la Santé de la mairie, il y a une douzaine d’années », se souvient Patrick Vogt. « Les jeunes médecins aujourd’hui ne veulent plus faire des semaines de 50 heures en solo. Ils veulent avoir une vie de famille. Il faut les aider à trouver une crèche, une garderie, les aider à trouver un quartier sympa où habiter, proche des écoles ». La possibilité d’attirer une nouvelle génération de médecins peut reposer sur « des choses aussi simples que cela, mais il faut créer une cellule de crise qui fasse la promotion de la ville », poursuit le Dr Vogt. « Dès l’internat, il faut attirer les jeunes. On leur paye l’abonnement du TER Mulhouse-Strasbourg, celui du tram à Mulhouse, on leur offre des accès aux salles de spectacle, à l’Opéra… Et on leur trouve des logements corrects qui pourraient prendre la forme de maisons du doctorant », martèle l’ancien maître de stage. Des efforts d’attractivité, que « les élus locaux ne font pas », selon lui. Le Dr Patrick Vogt croise les doigts…
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