C’est un post pour le moins surprenant publié ce début de semaine sur X (anciennement Twitter) qui a attiré l’attention du Quotidien. « Je suis syndiqué MG France. Aujourd’hui, je rejoins le mouvement de déconventionnement lancé par l’UFML et suivi par la FMF et Médecins pour demain », écrit ainsi le Dr Renaud Faure, médecin généraliste installé en cabinet de groupe à Beaune (Côte d’Or). Quelles sont les raisons qui ont conduit ce maître de stage de 50 ans à franchir un Rubicon qui va à l’encontre de la politique prônée par son syndicat ? Simple, la réponse peut tenir en un mot. Ex-as-pé-ra-tion ! « Par l’orientation vers laquelle va ma profession, vers laquelle on m’emmène et par les propositions d’une Caisse d’assurance-maladie qui n’a toujours pas pris en compte notre souffrance et nos difficultés croissantes », explique, dans une première salve, ce généraliste installé depuis vingt ans. Qui, à son niveau personnel, a donc décidé de s’impliquer dans la bataille.
« Je veux que les syndicats qui négocient actuellement ne lâchent rien et aient toutes les possibilités, dont cette menace du déconventionnement, de faire pression sur la caisse », développe le Dr Faure pour expliquer une décision qui va très au-delà de la seule revendication pour une consultation de médecine générale à 30 euros. « Le financier dans une négo a toujours sa place. Mais si je devais retenir une seule priorité pour la défense de notre métier, c’est la nécessité fondamentale de la relance de son attractivité », poursuit le praticien bourguignon.
Le métier disparaît à petit feu
Dr Roland Faure, généraliste à Beaune
Sur le terrain, son sentiment et celui de beaucoup de ses collègues assure-t-il, c’est que le métier de médecin de famille libéral « est en train de disparaître à petit feu ». De plus en plus de jeunes qu’il a accompagnés comme maître de stage, quand ils s’installent, tiennent deux ans, pour finalement raccrocher et se tourner vers le salariat. En cause, notamment, la surcharge administrative, les monceaux de mails des Cpam, généralement sous forme de reproches et de réclamations d’indus qu’il faut sans cesse justifier… Pour le Dr Faure, il y a urgence à se faire entendre dans ce qu’il analyse comme des négociations de la dernière chance pour le système conventionnel.
« On a déjà une convention qui a capoté l’année dernière, un règlement arbitral qui ne convient à personne et là, on sait bien que si cette convention échoue, c’est terminé pour plusieurs années. Et des déconventionnements, effectifs ceux-ci, il y en aura », argumente le médecin. Sans doute pas par milliers, comme les lettres d’intention, mais « il y a des gens qui sont tentés par l’aventure. De même qu’un salarié à un moment aurait envie de changer de crémerie, un libéral qui aime son métier de libéral et ne peut plus l’exercer librement, aura envie de changer de mode de fonctionnement », assure le Dr Faure.
Une action poussée par le désespoir
Le pire, c’est que, selon lui, la plupart des signataires n’ont pas réellement envie de sauter le pas. C’est le désespoir qui pousse à cette action. « Les mots sont forts, il y a des gens qui vivent des problèmes plus graves que les nôtres, mais travailler dans les conditions actuelles en sentant qu’elles se dégradent, de mois en mois, à un moment ça s’appelle du désespoir », assume celui qui appartient à un syndicat dont les valeurs l’empêchent de rejoindre ce mouvement. « Ce sont des valeurs anciennes dans lesquelles je me retrouve et pourtant il me semble qu’il est temps aujourd’hui de sortir toutes les armes à notre disposition pour contrer des propositions qui nous entraînent au fond. C’était ça l’idée du tweet », argue le Dr Faure. Ce faisant, s’est-il fait taper sur les doigts par MG France à la suite de son post ? « J’ai eu quelques échanges succincts avec le vice-président qui m’a juste clairement dit que le déconventionnement n’était pas dans la ligne. Je m’en doutais, mais j’avais un petit espoir », lâche-t-il, laconique, doublement déçu par le récent appel de la CSMF aux médecins libéraux de ne pas se déconventionner non plus.
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