Avec moins de 1 000 praticiens, le suivi des enfants en souffrance

La médecine scolaire à l'abandon

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Publié le 10/01/2019
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le constat est alarmant, même s'il n'est pas nouveau. Dans une enquête* menée auprès de ses adhérents, le Syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU-UNSA Éducation, majoritaire dans la profession) livre un résultat sans appel : la chute des effectifs de médecins scolaires, désormais sous la barre symbolique du millier (976 exactement pour 12,5 millions d'élèves), fragilise toujours plus le bilan médical à 6 ans, pourtant indispensable à la détection de troubles chez les enfants.

D’après les réponses livrées par les praticiens de l'Éducation nationale, le nombre d'élèves à contrôler est extrêmement variable : chaque médecin scolaire supervise entre 3 500 et... 53 771 élèves selon son secteur d'intervention. La moyenne se situe à 11 772 élèves pour un médecin équivalent temps plein, mais deux praticiens ont à leur charge un secteur de plus de 50 000 élèves.

Même en réseau d'éducation prioritaire (REP), où les besoins de suivi sont encore plus nécessaires, la situation se révèle très hétérogène – jusqu'à 17 360 élèves par médecin. Et 86 % des praticiens déclarent réaliser des interventions de dépannage hors de leur secteur géographique dans des territoires dits « découverts » ou d'urgence, où il y a une pénurie totale de médecins scolaires. 

Depuis 2008, le contingent de médecins scolaires s'est effondré de 20 %, rappelait l'Académie de médecine dans un rapport de 2017. Le délitement se transforme parfois en abandon : l'Indre n'a plus aucun médecin scolaire, la Nièvre un seul. La pyramide des âges n'est guère rassurante : l'âge moyen est de 55 ans, 240 médecins ont entre 60 et 65 ans. 

Résultat : le bilan médical de la sixième année n'a été réalisé qu'auprès de 25 % des élèves concernés. S'y ajoute le dépistage infirmier dont ont bénéficié 21,6 % des enfants à cet âge (entrée au CP). Le bilan des 6 ans ne concerne donc que 46 % des élèves, très loin de l'objectif de 80 % fixé par l'Éducation nationale, ou du code de l'Éducation qui qualifie ce suivi « d'obligatoire ».

Perte de chance

Cette visite médicale prévoit en effet un dépistage des troubles du langage et des apprentissages, qui permettra la prise en charge adéquate des enfants. « On connaît depuis des années les techniques de dépistage, les rééducations nécessaires mais aussi les conséquences sur la scolarité de ces troubles en l'absence de détection ou de prise en charge. Quel sera le coût économique, le coût de la perte de chance de n'y avoir pas eu accès ? », s'interroge le SNMSU, ajoutant que le bilan du dépistage infirmier est « variable ».

Quant à recourir à un généraliste de ville pour ce bilan – évoqué par les ministères de la Santé et de l'Éducation nationale dans le cadre du plan « Priorité prévention » –  le syndicat se montre dubitatif. « Quand les enfants ont un médecin traitant, moins de 1 % réalise un bilan complet. Et de nombreuses familles n'ont plus de médecin traitant, en raison de situations de précarité ou de départs en retraite de médecins. Sans compter que les généralistes sont aussi débordés », souligne le Dr Marianne Barré, présidente du SNMSU-UNSA.

Rémunération honteuse

Pour le syndicat, ces chiffres illustrent non seulement les disparités territoriales mais surtout la dégradation de la situation de la médecine scolaire avec une augmentation des secteurs et des missions. « Le problème essentiel, c'est le recrutement. Mais la rémunération proposée est honteuse, les jeunes ne sont pas du tout attirés », explique le Dr Marianne Barré.

Un médecin scolaire en tout début de carrière gagne 2 137 euros brut (premier échelon, seconde classe). Un salaire qui explique aussi pourquoi 30 % des postes ne sont pas pourvus (424 postes vacants sur 1 400 postes budgétisés).

* Enquête menée en juin 2018, basée sur les fiches des médecins de secteur. 60 départements et près de 2 millions d'élèves sont représentés

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin: 9714