Voilà un texte surveillé comme le lait sur le feu par les médecins. Lundi 10 mars, les députés de l’Assemblée nationale étudieront, en séance publique, la proposition de loi sur la profession d’infirmier, qui vise, notamment, à mieux reconnaître les compétences de ces paramédicaux. Après les premiers débats en commission des Affaires sociales cette semaine, le syndicat des anesthésistes libéraux (AAL) a émis jeudi 6 mars quelques réserves sur l’extension de l’exercice en pratique avancée aux infirmiers anesthésistes diplômés d’État (IADE).
Le texte, présenté par la députée macroniste Nicole Dubré-Chirat et l’ancien ministre de la Santé Frédéric Valletoux, propose en effet d’ouvrir la pratique avancée aux infirmiers spécialisés anesthésistes, de bloc opératoires et puériculteurs. Ce qui ne rassure pas l’AAL qui rappelle que dans le secteur libéral, « qui assure les deux tiers des prises en charge anesthésiques, les IADE exercent sous la supervision des médecins anesthésistes, étant directement rémunérés par l’activité de ces derniers ». Selon le syndicat, « toute modification de leur statut impactera donc directement l’organisation financière et opérationnelle des cabinets et cliniques privées ».
Autrement dit, la spécialité des IADE ne serait, d’après les médecins anesthésistes, pas compatible avec le statut d’infirmier en pratique avancée (IPA) qui assure des tâches qui lui ont été déléguées. « On ne peut pas créer un IPA IADE complètement autonome, plaide le Dr Philippe Cadi, vice-président de l’AAL. L’anesthésie générale, c’est un coma artificiel, aucun infirmier n’a l’étendue de cette pratique et le travail des IADE s’est toujours fait sous la supervision d’un médecin anesthésiste ».
« Ne pas confondre autonomie et indépendance »
Le problème, c’est que « les infirmières aspirent à ce que l’on reconnaisse une forme de pratique avancée dans leurs actes et à ce que l’on fasse évoluer leur profession en ce sens, a souligné la rapporteure Nicole Dubré Chirat lors des débats en commission. S’il faut entendre et accompagner cette aspiration, nous devrons veiller à ne pas fragiliser le statut des IPA (…) Je pense que le modèle de l’IPA, qui correspond en partie au modèle européen, répond à un vrai besoin. Nos efforts et notre investissement doivent porter sur le développement de cette profession, sans exclure de faire évoluer les missions des infirmières spécialisées, en différenciant les types de pratique avancée ». De son côté, l’élu centriste Cyrille Isaac-Sibille appelle à la vigilance : « Il ne faut pas confondre autonomie et indépendance. L’autonomie permet de prendre des décisions seul, mais n’exclut ni la supervision, ni le travail en équipe. L’indépendance peut, au contraire, désigner l’absence de tout lien avec autrui. Ce n’est pas ce que nous recherchons ».
Quelle responsabilité en cas de sinistre ?
Qui plus est, le syndicat des anesthésistes libéraux s’interroge sur la responsabilité des praticiens en cas de sinistre. Si les IADE obtiennent le grade d’IPA, « qui portera la responsabilité en cas de complication ou de litige ? Actuellement, les médecins anesthésistes assument l’entière responsabilité des actes réalisés sous leur supervision », rappelle-t-il. « Les IADE devront-ils souscrire une couverture assurantielle spécifique, avec des implications financières potentiellement lourdes ? », questionne le syndicat qui craint qu’une « réforme imposée, sans dialogue, risque de conduire à une confrontation stérile, néfaste tant pour les soignants que pour les patients ».
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