LE QUOTIDIEN : Vous ne semblez pas inquiet outre mesure par le vote de la PPL Garot qui instaure une régulation à l’installation des médecins libéraux. Pourquoi ?
Dr FRANCK DEVULDER : Ce vote en première lecture est à la fois grave mais constitue en réalité un non-événement. On savait tous que le texte allait passer. Il fallait être bien naïf pour penser le contraire, mais il est très probable que ça s’arrête là. J’en fais le pari, tout simplement parce que le gouvernement n’en veut pas et que les sénateurs n’en veulent pas non plus. La PPL Garot, pour moi ça va faire pschitt !
Même sur le volet consacrant le retour de la permanence des soins obligatoire ?
Le député Guillaume Garot, qui rappelle à l’envi être à la tête d’un groupe transpartisan d’élus, a réussi le coup de force d’unir contre lui, en miroir, un groupe trans-syndical, transgénérationnel, parce qu’il tire sur tout le monde ! Souvenons-nous que la PDSA individuelle n’est une obligation pour personne. Et dans le statut d’un PH ou d’un PU-PH, il n’est marqué nulle part dans son contrat de travail que la participation aux gardes et aux astreintes est une obligation.
Vouloir rendre obligatoire la permanence des soins pour le seul secteur de la médecine libérale entraînerait surtout le risque sérieux que, pour y échapper, certains déplaquent : “Monsieur Garot, pourquoi vous mettez-vous à tirer sur ce qui marche ?” La permanence des soins fonctionne : 97 % des territoires sont couverts le week-end et 93 % sont couverts la semaine.
Plutôt que la contrainte, je préfère raisonner en termes de responsabilité collective territoriale
Mais comment combler les derniers trous dans la raquette ?
Qu'il faille s’intéresser aux territoires où ça ne marche pas est une certitude. Mais il faut d’abord correctement les identifier : quels sont les besoins de la population ? Doit-on y regrouper les périmètres de garde ? Quelles sont les ressources médicales en présence – et je parle ici de tous les modes d’exercice, libéral comme salarié ? Encore une fois, plutôt que la contrainte, je préfère raisonner en termes d’incitation et de responsabilité collective territoriale.
Je pense qu’il faut opposer deux concepts : la coercition d’un côté, que porte Guillaume Garot. Et l’engagement et le sens de la responsabilité territoriale collective, que l’on retrouve davantage dans le projet de loi Mouiller [groupe LR] qui arrive au Sénat. C’est là où tout va se jouer pour la médecine libérale. Le texte va cristalliser les récentes propositions du Premier ministre sur les deux jours/mois de solidarité collective obligatoire ou non, et les conditions d’installation des médecins libéraux, notamment les spécialistes du premier recours. Le nœud de l’attention de chacun est porté là-dessus.
Sur ce sujet aussi, vous semblez plutôt confiant. Avez-vous eu des garanties du ministre de la Santé concernant la PPL Mouiller ?
Il nous a été dit que la PPL Mouiller avait plutôt le soutien du gouvernement. Je constate aussi que ce texte a été mis en procédure accélérée, donc on évite une navette parlementaire. Quant à l’obligation individuelle de faire deux jours par mois de consultation avancée pour toutes les spécialités, Yannick Neuder nous a expliqué qu’ils allaient demander aux ARS, aux préfectures, aux élus et aux URPS de clairement identifier les 100 à 150 zones rouges concernées.
Dans ces zones rouges, la solidarité se ferait sous la forme d’une responsabilité territoriale collective et non pas d’une obligation individuelle. Si cela se décline ainsi, je lui ai dit que ça allait dans le bon sens. Je rappelle que la convention médicale prévoit déjà ces incitations. Il y a 200 euros prévus par demi-journée sur une consultation avancée dans les zones considérées comme sensibles. Malheureusement, ce n’est pas encore en place.
Il y a d’autres pistes que nous défendons et qui, nous l’espérons, seront retenues, comme la création d’un espace de liberté tarifaire solvabilisé par les complémentaires santé. Une Optam (option de pratique tarifaire maîtrisée) ouverte à tous les médecins qui s‘engageraient dans les consultations avancées dans les déserts médicaux.
Les consignes intersyndicales de mobilisation sont-elles maintenues ?
Nous maintenons le mouvement de manière tout à fait coordonnée avec les autres syndicats. Je rappelle que nous n’avons jamais appelé à la fermeture les cabinets médicaux, sauf le jour de la manifestation du 29 avril. En revanche, nous appelons toujours au soutien de nos jeunes confrères dans leurs actions et au maintien du mot d’ordre de la grève de la PDSA et du service d’accès aux soins.
Vote de la PPL Garot : « déni de démocratie » pour les syndicats
C’est dans une Assemblée nationale « très clairsemée », voire « quasi vide », que la proposition de loi Garot a été adoptée par seulement 99 députés sur 577. « Quel exemple de démocratie ! », ironise amèrement le SML dans un communiqué ce vendredi 9 mai. Le syndicat, à l’instar de MG France, Reagjir, l’Anemf, l’Isni et l’Isnar-IMG, déplore la désertion massive des députés au moment de ce vote. « L’hémicycle avait comme un air de désert parlementaire pour le vote final d’un texte crucial alors que la santé reste l’une des premières préoccupations des Français », tacle le syndicat de remplaçants Reagjir. « Hier soir, une infime partie des députés ont fait le choix d’aggraver l’accès aux soins de la population, au lieu de mettre en place de réelles solutions, tonne aussi l’Anemf, au nom des étudiants en médecine. Hier soir, les députés ont décidé de faire peser, une fois de plus, les erreurs du passé sur le dos des étudiants en médecine »
Face à un tweet raciste d’un membre de Reconquête, des médecins de l’Oise portent plainte
Prescription des aGLP-1, l’usine à gaz ? Après les médecins, la Fédération des diabétiques affiche son inquiétude
Quatre généralistes font vivre à tour de rôle un cabinet éphémère d’un village du Jura dépourvu de médecin
En direct du CMGF 2025
Un généraliste, c’est quoi ? Au CMGF, le nouveau référentiel métier redéfinit les contours de la profession