Le Dr Bruno Hammel, président du conseil de l'Ordre des médecins de Dordogne, ne mâche pas ses mots. Depuis le lancement de la campagne de contrôle des arrêts de travail, qui cible les gros prescripteurs, trois généralistes (sur moins de 300 de son territoire) ont été convoqués et « mis sous objectifs » durant l’été.
Sa colère est montée d'un cran après le retour amer des échanges d'un des généralistes convoqués par la caisse primaire dans le cadre des contrôles. « Cela s'était très mal passé, confie le Dr Hammel au Quotidien. La confraternité était loin d'être présente à l'occasion de ces contrôles ». Alors que les relations entre la caisse primaire et les médecins locaux « se passaient bien » jusque-là, soutient le président de l'Ordre départemental, ce coup de pression « venu du ministère de la Santé », était « inutile » dans ce département rural confronté à une pénurie médicale croissante.
Clash
De fait, en 20 ans, la Dordogne a vu fondre ses effectifs de généralistes libéraux, passant de 420 à moins de 300. « On est dans une démographie problématique avec des médecins jeunes qui s'en vont dès la première contrariété, martèle le Dr Hammel. Ce type de clash va les décourager de s'installer. On n'a pas besoin de cette campagne de dénigrement dans ce territoire déficitaire en médecins ».
Pis, les « quelques confrères en cumul emploi retraite » lui ont fait savoir qu'ils ne poursuivraient pas leur activité « s'ils se font embêter par la Sécu ». « On a le sentiment que le premier recours porte sur ses épaules tout le déficit budgétaire », tonne le patron de l'Ordre départemental, qui souhaite défendre « le peu qui reste de médecins sur le terrain ».
Menace sur l'indépendance
Tout comme l'Ordre national en juin, l'instance de Dordogne rappelle que la prescription d'arrêt de travail est « un acte médical à part entière ». « Ce n'est pas un cadeau fait aux patients puisqu'ils ne sont pas payés pendant trois jours. Dans ce contexte d'inflation, certains patients refusent même les arrêts pour ne pas perdre de l'argent », cadre-t-il.
Pour éviter « toute pression de nature à menacer leur indépendance professionnelle », le Dr Hammel suggère que les médecins demandent la mise en place d’une « autorisation préalable des arrêts de travail par les médecins-conseils de la Sécu », seule alternative respectueuse à ses yeux de la déontologie et des droits des assurés. Depuis ce coup de colère ordinal, les relations locales se seraient « apaisées » avec la caisse primaire. « Il y a eu des échanges et les médecins contrôlés ont remonté des entretiens constructifs », indique le Dr Hammel.
Ce n'est pas toujours le cas au niveau national. Les syndicats de médecins libéraux continuent de dénoncer le « flicage statistique » de l'Assurance-maladie. Dernièrement encore, MG France a expliqué que « les généralistes n'abusent pas des arrêts de travail » puisque les versements d'IJ ont diminué de « 6,2 % de janvier à juillet mais légèrement augmenté (+0,5 %) sur douze mois », selon le dernier bilan de la Cnam. « C’est donc l’épidémie de Covid et notamment la vague de l’automne dernier qui était responsable de l'augmentation rapide des IJ, justifie le syndicat. Les généralistes ne doivent pas être les boucs émissaires utilisés pour dissimuler l’insuffisance des budgets nécessaires à la santé de la population ! »
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