Permanence des soins, pas si fragile ! 40 % des généralistes participent aux gardes, 97 % des territoires couverts

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Publié le 31/03/2025
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Quasi-totalité des territoires couverts par la permanence des soins ambulatoires (PDSA), légère hausse du volontariat, investissement des jeunes et des femmes… Réalisée auprès des conseils départementaux ordinaux, la 22e enquête de l’Ordre sur la PDSA montre un engagement solide des médecins généralistes… à l’heure où plane la menace d’un retour des gardes obligatoires.

Crédit photo : Voisin/phanie

C’est une enquête qui tombe à point nommé. Alors que la proposition de loi (PPL) transpartisane du député Garot (PS), examinée mardi par les députés, prévoit le retour d’une obligation de permanence des soins ambulatoires (PDSA), l’Ordre national des médecins trouve l’idée « pas pertinente », chiffres à l’appui. Et de fait, sa 22e enquête annuelle sur la PDSA – réalisée auprès des conseils départementaux – tend à démontrer que la profession est très loin de se désengager de cette mission basée sur le volontariat, malgré des difficultés liées à la pénurie médicale.

97 % des territoires couverts en week-end et jours fériés !

Premier point fort de ce bilan : la couverture globale des territoires de PDSA continue de s'élever à 97 % durant les week-ends et jours fériés, à 93 % en soirée (20 heures-minuit) et 27 % en nuit profonde (minuit-8 h), avec peu d’actes sur ce dernier créneau. Ces chiffres révèlent « une stabilité de la couverture durant les week-ends, et les nuits profondes », mais une légère érosion de 3 % du nombre de secteurs couverts en soirée.

C’est en nuit profonde que la proportion des « zones blanches » reste la plus importante. En 2024, 42 départements ne bénéficient plus de couverture sur cette plage horaire, soit trois de plus qu’en 2023. Les raisons évoquées sont principalement la faible activité constatée dans ces secteurs et également la difficulté à mobiliser des volontaires sur ce créneau. Mais pour le reste, la mobilisation est intacte.

Légère hausse du volontariat des généralistes

Autre indicateur encourageant : en 2024, l’Ordre a recensé exactement 39,56 % des généralistes susceptibles de prendre des gardes ayant effectivement participé à la PDSA (effecteurs + régulateurs), soit une légère hausse de 0,22 point du taux de participation par rapport à 2023 (39,34 %). Cela représente « 26 000 médecins volontaires parmi les 65 727 médecins susceptibles de prendre une garde ». C’est même un taux record depuis 2018.

L’enquête révèle aussi une légère amélioration de la proportion de secteurs couverts par 10 médecins volontaires (ou plus) : cette bonne situation concerne 71 % des secteurs contre 68 % un an plus tôt. Par ailleurs, parmi les secteurs couverts par moins de 10 généralistes volontaires, seuls 16 % étaient desservis par moins de cinq volontaires, « une proportion en baisse de 2 % par rapport à 2023 ». Autrement dit, la proportion de secteurs où la PDS est particulièrement fragile diminue.

Ce solide taux de participation reflète-t-il pour autant un bon fonctionnement de la PDSA dans chaque territoire ? Pas forcément. L’Ordre rappelle que certains départements présentent des taux de participation faibles sans pour autant rencontrer de difficultés à compléter le tableau de garde tandis que d’autres estiment que la mission n’est pas remplie « de manière satisfaisante » malgré des taux de mobilisation plus élevés, en particulier pour des problèmes liés à la démographie médicale.

Sur ces bases, insiste le Cnom, « la réintroduction de l’obligation de permanence des soins, telle qu’envisagée par l’article 4 de la proposition de loi transpartisane (…) ne contribuerait en rien à soutenir les départements confrontés à un déclin démographique ».

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Les jeunes et les femmes mobilisés pour l’effection

Déjà identifiée l’an passé, la baisse de l’âge moyen des médecins volontaires se confirme : 45 ans pour les gardes d’effection contre 45,2 ans en 2023. Deux tiers des médecins de garde ont entre 35 et 59 ans et 20 % ont plus de 59 ans. Autre élément important à l’heure de la féminisation : la progression régulière de la part des femmes participant à la PDSA, jusqu’à atteindre aujourd’hui 50 % des effecteurs (49 % en 2023) et de 41 % des médecins régulateurs (39 % en 2023).

L’Ordre confirme que la PDSA est assurée en très grande majorité par des médecins libéraux installés (87 %). Les remplaçants exclusifs et les praticiens salariés prennent leur part beaucoup plus modeste (respectivement 6 % et 2 %).

28 gardes par effecteur en 2024

En moyenne, les médecins effecteurs (titulaires ou remplaçants) ont réalisé « 28 gardes », un chiffre équivalent à 2023. Cette moyenne varie considérablement selon les territoires, passant d’un minimum de six gardes annuelles dans l’Orne à 140 en Seine-et-Marne ! Cette variation dépend de la présence ou non d’associations locales telles que SOS, dont l’activité inclut la prise en charge des soins ambulatoires aux horaires de PDSA.

Même si 93 % des territoires sont couverts en soirée, les trois quarts des conseils départementaux déclarent « craindre une baisse d’implication à venir des médecins effecteurs volontaires pour cette plage sur un ou plusieurs territoires de PDSA ». Plusieurs raisons sont avancées : vieillissement des médecins dans certains secteurs, épuisement professionnel, manque d’attractivité des gardes, activité trop faible, parfois accentuée par l’ouverture de centres de soins non programmés ou de cabinets à horaires élargis, ou encore insécurité.

Hausse des médecins régulateurs

Le nombre de médecins régulateurs volontaires poursuit sa progression, grâce à une implication croissante des médecins libéraux installés en activité régulière. Au total, ils sont 3 081 médecins libéraux installés qui ont participé à la régulation médicale, ce qui correspond à une hausse de 11,5 % par rapport à l’année précédente. À ce chiffre, s’ajoutent 891 médecins retraités, salariés ou remplaçants ayant participé à la régulation médicale des appels de PDSA, soit une baisse de 9,8 % par rapport à 2023. Au total, 3 972 médecins généralistes ont assuré le rôle de médecin régulateur en 2024, soit une hausse totale de 5,9 % par rapport à 2023. Cette hausse concerne l’ensemble des créneaux de garde, à l’exception des samedis matin. Pendant ces gardes, les médecins régulateurs donnent principalement des conseils médicaux (50 %), envoient les patients vers un cabinet de garde ou un site dédié (37 %), envoient un transport sanitaire (8 %) et un médecin effecteur pour une visite à domicile (2 %).

Effection fixe : développement des sites dédiés

En 2024, l’Ordre a recensé 556 sites dédiés à la PDSA, soit 15 de plus qu’en 2023. Par ailleurs, 41 % de ces sites dédiés étaient adossés à des établissements de santé. Le maillage des points fixes dédiés à la PDSA est harmonieux. 90 départements en disposent, un phénomène déjà constaté en 2023. Dans 84 % des départements, les prises en charge des patients se font au cabinet du médecin de garde. Le développement de ces sites dédiés n’est pas sans conséquence pour les patients non mobiles qui ne bénéficient pas de transports publics les amenant vers les effecteurs fixes. Selon le Cnom, 29 conseils départementaux sont dépourvus d’effecteurs mobiles dans leur département comme l’Aude, la Côte-d’Or, l’Eure, les Landes, l’Oise ou encore la Mayenne. Or pour l’Ordre, l’organisation d’effection mobile est nécessaire pour les visites à domicile incontournables (patients en Ehpad par exemple).

Réquisition de 820 médecins, un chiffre en baisse

Selon l’enquête, 820 médecins ont été réquisitionnés au cours de l’année 2024 contre 1 019 en 2023. Cette solution est aux mains du préfet « en cas de carences dans le tableau de garde et en présence de médecins non exemptés sur le territoire ». Des réquisitions préfectorales ont eu lieu dans 38 départements contre 65 en 2023. Selon l’Ordre, dans 76 % des départements concernés par des réquisitions, elles sont dues principalement à des mouvements de grèves ou à des carences durant des périodes clés, telles que les fêtes de fin d’année ou les week-ends prolongés du mois de mai et les congés d’été. Dans certains territoires, comme en Dordogne, les réquisitions étaient « chroniques », résultant de médecins non volontaires qui avaient manifesté leur intention de participer à la PDSA uniquement sous réserve d’être réquisitionnés.

Bon fonctionnement mais peut encore mieux faire

Interrogée sur le fonctionnement de la PDSA dans leur département, une large majorité, soit 93 CDOM, considérait que la mission est remplie « correctement » contre 10 qui n’étaient pas satisfaits du dispositif en 2024. Les principales difficultés identifiées sont le déclin démographique (pour 86 % des CDOM) mais aussi le désengagement des libéraux (55 %), dû à une activité trop faible sur certains secteurs, aux distances à parcourir ou à l’insécurité dans certaines zones.

Pour accroître encore l’implication des médecins, les conseils départementaux ont formulé plusieurs recommandations. Le renforcement des mesures financières incitatives est proposé comme premier levier, devant le renforcement de la participation des étudiants et des médecins salariés, le renforcement de la sécurité, la suppression des gardes sur certains créneaux, la création de transports dédiés, les actions de communication auprès du grand public et de la profession elle-même, et aussi l’essor des points fixes.

D’autres idées nouvelles sont aussi évoquées comme l'intégration des centres de soins non programmés (CSNP) à la PDSA, la mise à disposition de voiture et/ou de chauffeurs pour les visites à domicile dans les territoires où il est difficile de circuler ou de se stationner, ainsi que la réintroduction de la cotation MN ou F pour les appels non régulés en maison médicale de garde. Cette possibilité a été supprimée dans la nouvelle convention médicale.


Source : lequotidiendumedecin.fr