Le rugby est une affaire d’équipe et la ville de Montpellier en sait quelque chose. C’est donc tout naturellement que les organisateurs du mouvement fédéré AvecSanté (Avenir des équipes coordonnées) ont proposé une belle mêlée lors de leurs Rencontres (22 et 23 mars), illustrant la force du collectif sous les encouragements des quelque 1 500 congressistes venus de toute la France.
Équipe traitante
Devant une salle comble, le Dr Pascal Gendry, coprésident de la Fédération, a salué les 2 501 maisons de santé en activité rassemblant 40 000 professionnels, prenant en charge plus de 10 millions de patients par an. Mais pour aller « plus loin, plus fort, plus vite », et pour atteindre l’objectif gouvernemental des 4 000 MSP d’ici à 2027, « nous ne pouvons plus nous contenter des promesses ». « Il va falloir assumer des changements de politique publique et des moyens législatifs et conventionnels pour le faire », a plaidé le généraliste de Rénazé.
En s’adressant à Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, le généraliste a dit regretter que la notion « d'équipe traitante », largement poussée par sa fédération ne se soit toujours pas concrétisée. Idem pour l’embauche d’assistants médicaux favorisant la réponse aux soins non programmés ou pour la reconnaissance des MSP comme lieux de stages à part entière, notamment pour les futurs internes en quatrième année en médecine générale. Dans ces cas précis, le raisonnement des pouvoirs publics s’appuie encore trop souvent sur le médecin individuel, regrette AvecSanté.
Autre changement réclamé : le mode de rémunération des équipes libérales. « Tirons les conclusions des expérimentations de l’article 51 pour aller plus loin, pour mettre fin au tout paiement à l’acte qui a montré ses limites », tranche le Dr Gendry. Le médecin, très applaudi, a évoqué plusieurs leviers financiers comme la capitation ou la Rosp d’équipe [rémunération sur objectifs de santé publique].
Essor des MSP : Valletoux répond à Vuattoux
Se prêtant au jeu des questions/réponses, le ministre délégué Frédéric Valletoux, à l’aise, s’est défendu d’être « hospitalo- centré ». L’ex-président de la Fédération hospitalière de France (FHF) a besoin de « toutes les forces collectives » mais refuse un « modèle unique qui ne marchera pas ». « Il faut respecter et reconnaître la dynamique du terrain », avance-t-il. Pour l’ancien député Horizons, la loi sur l’accès aux soins qu’il a fait votée permettra aux acteurs de terrain de porter eux-mêmes des organisations adaptées aux besoins, avec le renforcement du conseil territorial de santé.
« La responsabilisation c’est bien, mais comment encourager les projets ? , a questionné le Dr Patrick Vuattoux, généraliste à Besançon, coprésident d’AvecSanté. Le plan des 4 000 MSP sera-t-il accompagné ? » Frédéric Valletoux a confirmé que « cet objectif est toujours en ligne de mire ». Pour cela, des crédits ont été dégagés comme les 45 millions d’euros pour accompagner les projets immobiliers. « Il y aura un effort particulier pour accompagner la montée en puissance des MSP », a-t-il affirmé, sans donner de nouveaux chiffres.
Le ministre a aussi réitéré l’engagement pris par François Braun, à savoir que la MSP « en tant que telle » puisse être considérée comme un terrain de stage, à l'instar du service hospitalier.
La capitation, modèle d’avenir ?
Frédéric Valletoux veut également « aller franco » sur l’évolution des pratiques et des compétences. « Je suis pour qu’on aère, qu’on ouvre les portes de ce système de santé qui a souvent vécu sur des statuts, des pratiques, des interdictions », s’est-il défendu. Il devrait publier « dès la semaine prochaine » les décrets sur les IVG instrumentales pour les sages-femmes – texte « réécrit » – et sur l’accès direct aux IPA. « On doit avancer sur les reconnaissances des professionnels de santé qui sont au côté des médecins. D’autant qu’ils travaillent en équipe », a-t-il ajouté.
Autre annonce, le ministre souhaite que « d’ici à la fin de l’année », les négociations interpro dans le cadre d’un avenant à l’accord conventionnel interprofessionnel (ou ACI) puissent avoir lieu pour accompagner les équipes. « On doit maintenant réfléchir à un modèle de financement qui valorise l’équipe et s’inspire des expérimentations article 51 (…) La capitation est un des modèles d’avenir de financement des soins primaires », a-t-il assumé sous les applaudissements.
Un peu plutôt, le directeur général de l’Assurance-maladie, Thomas Fatôme, avait lui aussi manifesté sa volonté de faire évoluer le cadre conventionnel de l’ACI des MSP, notamment en matière de mode de financement (avec part de capitation pour les équipes). Aujourd’hui, la Cnam finance ces collectifs à hauteur de 125 millions d’euros par an. « Cette enveloppe doit continuer à grandir », a-t-il promis.
Le collectif ResIST 34 crie sa colère
Accueil plutôt mouvementé ce vendredi pour le ministre, attendu à Montpellier, par le collectif de médecins libéraux ResIST 34, accompagné d’infirmiers et d’usagers. En blouse blanche, le Dr Frédéric Perletti, généraliste à Saturargues entendait crier sa colère. « Nous sommes tous au bout du rouleau et on nous impose des transferts de tâches sans consulter les soignants sur le terrain », a-t-il déclaré au « Quotidien ». À ses côtés, la Dr Élodie Le Buzullier, généraliste dans le Gard, était sur la même ligne. « On veut le respect et la reconnaissance du soignant. Cela passe par une revalorisation pour assurer la pérennité des cabinets », a-t-elle lancé.
Plus loin, des infirmiers portent une pancarte pour la meilleure connaissance de leur métier – dont les infirmières du réseau Asalée (Action de santé libérale en équipe). Depuis plusieurs mois, l’association Asalée qui gère leur recrutement, tire le signal d’alarme. Faute d’accord avec la Cnam, le dispositif pourrait mettre la clé sous la porte.
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