Prévue par la loi santé 2019, la certification périodique des professionnels de santé deviendra obligatoire le 1er janvier 2023. En juillet 2021, une ordonnance est venue préciser le cadre général du dispositif mais beaucoup reste à définir et les points de crispation sont nombreux entre les syndicats de médecins et le ministère.
Dans le cadre du Congrès de la médecine générale France (CMGF) 2022, une table ronde était organisée sur le sujet en présence des leaders des syndicats de médecins libéraux et d’Eric Maurus, chef du bureau de l’exercice et de la déontologie des professions de santé à la direction générale de l'Offre de soins (DGOS), qui a participé à toutes les réunions de travail avec les professionnels. Ce dernier a présenté les éléments de l’ordonnance de juillet qui définissent les objectifs de la certification.
Des référentiels élaborés par les CNP
Quatre grands blocs vont participer à la certification : l’actualisation des connaissances et des compétences, le renforcement des pratiques professionnelles, l’amélioration de la relation avec les patients et une meilleure prise en compte de la santé personnelle du professionnel de santé. La certification sera obligatoire et à renouveler tous les six ans, sauf pour les professionnels déjà en exercice au 1er janvier 2023 et qui auront neuf ans pour se faire certifier.
Les actions à accomplir vont être définies dans des référentiels élaborés par les conseils nationaux professionnels (CNP) de chaque profession et spécialité. Le médecin aura ensuite le choix des actions à suivre parmi celles prévues dans le référentiel. Celles réalisées au titre du développement professionnel continu (DPC) seront prises en compte pour la certification périodique.
Dans le détail pour l’élaboration des contenus, un Conseil national de la certification périodique (CNCP) a été créé notamment pour définir les orientations scientifiques de la certification périodique. Le Pr Lionel Collet a été nommé à sa tête en décembre dernier. Pour les référentiels, la Haute Autorité de santé (HAS) établira une méthodologie proposée aux CNP qui les élaboreront et ils seront ensuite arrêtés par le ministre.
Le dispositif de certification étant obligatoire, ce sont les ordres professionnels qui seront chargés de vérifier cette obligation. Pour ce faire, chaque professionnel se verra créer un compte individuel qui retracera les différentes actions suivies.
« Il y aura une vigilance sur l’interopérabilité avec ce qui existe déjà pour que les professionnels n’aient pas à rentrer dix fois les mêmes informations », souligne Eric Maurus, à l’image du portfolio qui doit déjà être renseigné pour le DPC depuis quelques mois. Ces comptes individuels seront gérés par une autorité administrative qui n’a pas encore été désignée.
Un financement à déterminer
Si le cadre a été fixé, il reste donc encore beaucoup de travail à effectuer avant l’entrée en vigueur en janvier 2023. De nombreux points sont encore à définir : le contenu du dispositif, les modalités du pilotage, du financement ou de l’élaboration des référentiels, l'organisation du système d'information ou encore les conditions d'application du mécanisme de contrôle.
Si, dans les premiers temps, les réunions de travail se sont enchaînées à un rythme soutenu, depuis quelques mois le dossier n’avance plus. Et pour cause, si sur le principe les syndicats de médecins ne sont pas contre la certification, dans sa mise en place les oppositions sont nombreuses.
« Il y a une nécessité car il y a une évolution rapide des connaissances médicales et certains médecins ne mettent pas à jour leurs compétences. C'est aussi un devoir vis-à-vis de nos patients », souligne le Dr Jean-Paul Ortiz, ancien président de la CSMF. Il y voit aussi l’avantage de mettre en place « une sécurité pour le médecin », d’un point de vue juridique mais aussi pour sa santé.
Malgré tout il pointe plusieurs points de vigilance : les dérives administratives et commerciales, le rôle de chacun des acteurs et le financement aujourd’hui insuffisant pour la formation.
En effet, le Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF souligne aussi les difficultés à avancer sur ce dossier sans avoir une idée de l’enveloppe consacrée. « Va-t-on construire une cabane en bois ou un palace ? On ne sait pas », affirme-t-elle.
Et tous sont d’accord pour dire qu’il faut impérativement retravailler sur la formation continue, pour laquelle les heures prises en charge ont été considérablement réduites depuis plusieurs années. « S'il n'y a pas en même temps une réforme de la formation, je ne vois pas comment cela peut fonctionner », note ainsi le Dr Jacques Battistoni, président de MG France.
Par ailleurs, pour ce dernier si les objectifs affichés « sont beaux », dans le détail la définition n’est pas si simple. « Comment évalue-t-on et mesure-t-on la relation médecin/patient par exemple. »
Une gouvernance remise en cause
Au-delà du contenu, les représentants des médecins craignent également que cette nouvelle contrainte vienne décourager une profession déjà exsangue.
« Ce que je redoute c’est que parmi les médecins les plus âgés encore en exercice, ils arrêtent dans neuf ans », souligne le Dr Le Sauder. « Les mesures incitatives doivent être supérieures à la contrainte : n'affaiblissez pas encore un corps qui n’est déjà pas assez nombreux en mettant des contraintes trop importantes », plaide également le Dr Battistoni.
Mais pour le moment, le point d’achoppement principal est celui de la composition du CNCP. « Il y a eu des oppositions très fortes, des syndicats mais pas seulement, sur la composition du conseil national. Nous avons pris un peu de retard, nous espérons qu'en avril, il soit mis en place », explique Eric Maurus.
Polémique sur la présence de l’Ordre dans le CNCP « qui sera juge et partie », estime le Dr Le Sauder, mais surtout polémique sur la sous-représentation des médecins et notamment des généralistes. « Il y a un seul représentant de la commission médecins prévu dans le conseil national pour l'ensemble des spécialités. Si ce n'est pas un généraliste, il n'y en aura donc aucun dans ce CNCP », souligne le Dr Ortiz.
Une première étape qui braque donc déjà les médecins alors qu’il en reste encore beaucoup d’autres pour espérer un dispositif effectif au 1er janvier prochain.
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