Les chiffres sont on ne peut plus parlants. En Île-de-France, les indicateurs de santé périnatale sont plus dégradés que la moyenne nationale avec des inégalités interdépartementales marquées. Le département de la Seine-Saint-Denis affiche ainsi un taux de mortalité infantile (décès dans la première année de vie rapporté au nombre d’enfants nés vivants sur la même période) de 5,8 pour 1 000, alors que la moyenne nationale s’élève à 3,7 pour 1 000, soit une augmentation de 56 %. « Cet écart est très inquiétant », a pointé du doigt Sabrina Hedhili, coordinatrice du réseau périnatal Naître dans l’Est francilien, lors d’une récente table ronde organisée par le département sur les discriminations territoriales.
La sage-femme appuie son propos en rappelant des données issues des dernières enquêtes nationales sur les morts maternelles et sur la périnatalité : d’une part, le risque de décès est deux fois plus élevé pour les femmes enceintes en situation d’obésité par rapport aux femmes de moindre corpulence ; d’autre part, les femmes socialement vulnérables* sont 1,5 fois plus représentées parmi les femmes décédées.
Or les indicateurs socio-économiques de la Seine-Saint-Denis ne sont pas bons, et les femmes y cumulent les facteurs de vulnérabilité. « Ici, la population est précaire et préoccupée d’abord par des questions de survie, confirme Ève Robert, directrice générale adjointe aux solidarités du département. La santé vient après. On ne consulte que tardivement. » D’autant que selon les chiffres de l’ARS francilienne, la Seine-Saint-Denis compte 6,7 généralistes pour 10 000 habitants quand la capitale en affiche 12,1 – le taux maximal en Île-de-France. L’offre en médecins spécialistes libéraux est quatre fois plus faible dans ce département qu’à Paris.
Médiateurs et unités mobiles
Face à cette situation, tous les acteurs locaux, soutenus par l’ARS, se sont retroussé les manches. Le centre de santé communautaire La Place Santé à Saint-Denis, où exerce une équipe pluriprofessionnelle (médecins, podologues, pharmaciens, etc.), propose une prise en charge qui allie l’action sociale et la pratique du soin grâce à la présence de médiateurs en santé. « Les médiateurs facilitent l’accès au droit et la compréhension du système de santé pour une population précaire au parcours de soins déjà chaotique », souligne Salimata Sidibé, coordinatrice du centre.
Effacer la frontière ville-hôpital
Une initiative largement plébiscitée par le Dr Yohan Saynac, généraliste à Pantin : « La démographie médicale n’est pas la seule explication. Si on identifie les femmes qui n’ont pas de suivi, les médecins généralistes du département s’organiseront pour les prendre en charge. » Selon le médecin, la profession a surtout besoin « d’une bonne coordination avec le secteur sanitaire et social ». « Dans ces situations complexes avec une grosse dimension sociale, le soin doit être envisagé de façon intégrée dans les services sociaux », ajoute-t-il.
C’est justement pour mieux coordonner tous les acteurs de la ville et de l’hôpital dans la prise en charge des femmes en situation de vulnérabilité que le réseau Nef a créé des unités d’accompagnement pluriprofessionnelles et des « staffs médico-psycho-sociaux ». Le département propose également des interprètes en cas de besoin dans les centres de protection maternelle et infantile (PMI). Enfin, des équipes mobiles se déplacent régulièrement dans les PMI pour faciliter l’ouverture des droits des femmes enceintes.
La vulnérabilité sociale couvre un ensemble de situations relatives à la précarité économique (précarité du travail, chômage, absence de revenus) et sociale (isolement social et/ou familial, précarité du logement)
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