« C’est amusant que vous me posiez cette question. Je viens de revendre le scooter qui m’a accompagné pendant plus de trente ans. Il était pourtant bien pratique pour mes visites dans Paris », regrette le Dr Dominique Monchicourt, généraliste en secteur 2, installé dans le VIe arrondissement. Son deux-roues motorisé lui permettait de se jouer des embouteillages et d’assurer entre 300 et 400 visites annuelles ! Le changement de législation encadrant le stationnement des motos et scooters, obligés de se garer à des places spécifiques et de payer leur parking, l’ont conduit à changer son fusil d’épaule. « C’était devenu infernal. Je n’arrêtais pas de payer des contraventions », confie-t-il. Si bien qu’aujourd’hui, le généraliste parisien de 80 ans songe à passer au vélo.
C’était devenu ingérable pour se garer
Dr Richard Handschuh
Son benjamin septuagénaire, le Dr Richard Handschuh, a sauté le pas il y a trois ans. Précisément quand « la mairie de Paris a décidé unilatéralement de fermer les voies d’accès de mon domicile proche de Vincennes à mon cabinet du XXe arrondissement », explique le généraliste. Plutôt que d’affronter les cinquante minutes devenues nécessaires pour rallier les deux adresses, il décide d’opter pour la bicyclette. Dont il se sert également pour assurer les six ou sept visites hebdomadaires auprès de ses patients âgés ou grabataires. « De toute façon, c’était devenu ingérable pour se garer. J’ai beau avoir l’appli Paybyphone, on passe son temps à tourner », peste-t-il. À l’heure où la CSMF accuse carrément la mairie de Paris de « mettre en danger la santé » des patients vulnérables, lui aussi dénonce les décisions imposées par la Ville. « On a créé sans concertation avec les riverains des embouteillages monstrueux dans des endroits où ça circulait, pour des raisons idéologiques, insiste-t-il. Je me suis adapté… ». Le septuagénaire a opté pour un vélo à assistance électrique. Et il peut compter sur le soutien des internes qu’il accueille en tant que maître de stage. La plupart d’entre eux viennent à son cabinet à vélo.

Bon pour la santé et la planète
En périphérie parisienne, à Vanves, la Dr Louise Nutte a depuis longtemps fait le choix de la petite reine pour ses déplacements professionnels. « Comme dans 60 % des cas, je viens déjà à vélo pour me rendre au travail, ça me semblait logique de l’utiliser pour les visites », déclare la généraliste de 39 ans, bien équipée avec son vélo-cargo avec lequel elle emmène ses enfants à l’école. « L’autre jour, on s’est même rendu compte que je pouvais emmener l’interne avec moi en déplacement », s’amuse-t-elle. Plus sérieusement, c’est l’argument écologique qu’elle retient. « En ville, c’est absurde de prendre la voiture pour faire deux ou trois kilomètres et même si c’est modeste, ça fait faire un peu d’activité physique. Bon pour la planète, bon pour la santé ! ». Autre effet, le vélo semble déconstruire certains stéréotypes. « Ça casse l’image clichée du médecin qui fait ses visites avec sa grosse voiture », glisse la Dr Nutte.

Généraliste à Bagneux, dans les Hauts-de-Seine, le Dr Benjamin Saada, 38 ans, casse lui aussi les codes. Après s’être fait voler deux vélos quand il était remplaçant, le généraliste a choisi de faire sa dizaine de visites hebdomadaires… en trottinette électrique. Par conscience écolo, certes, mais aussi pour l’aspect ludique. « Quand il fait beau, c’est une petite balade pendant laquelle on peut s’aérer la tête. » Et quand il pleut ? Il suffit d’être bien équipé. « J’ai un poncho de pluie intégral, des gants, des sous-gants, des collants en hiver sous mon jean quand il fait très froid ». Avantage de la trottinette sur le vélo, on peut la replier et la monter avec soi au domicile des patients. Ces derniers sont habitués. À chaque visite du Dr Saada, l’engin a sa place attitrée dans la cuisine ou dans l’entrée. Les patients, eux aussi, s’adaptent.

Stationnement des médecins : formules à la carte
À Paris, le droit de stationnement PRO Soins à domicile s’adresse aux médecins, kinés, infirmiers, sages-femmes, orthophonistes, pédicures/podologues et professionnels de la rééducation exerçant à Paris et effectuant plus de 100 visites par an dans la capitale. À Marseille, dans le cadre de l’extension du périmètre du « stationnement payant », la municipalité a créé une tarification forfaitaire pour « les professions mobiles », celles « dont l’activité induit la nécessité impérieuse d’utiliser leur véhicule ». Coût de l’abonnement annuel en 2023 : 270 euros. À Lyon, les médecins, infirmières ou kinés qui effectuent entre 1 et 119 soins en visite auprès des patients peuvent souscrire un abonnement annuel de 240 euros. Ce montant diminue de moitié pour les professionnels qui réalisent plus de 119 visites annuelles. Bordeaux a adopté un principe similaire avec un forfait à 30 euros par mois (2023) pour tous les soignants libéraux, en cabinet ou à domicile.
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