Après la « révolution du premier recours », le premier ministre a donné le signal de la « révolution fiscale »... L’annonce soudaine d’une « remise à plat » de la fiscalité visait à calmer le jeu sur le front des impôts. Mais elle a plutôt semé le trouble chez certains de ceux qui ont été reçus à Matignon la semaine dernière. Le président de l’UNAPL en tête. « Lors de cette rencontre avec le Premier ministre dans le cadre de la concertation sur la réforme fiscale, nous lui avons fait part de notre inquiétude », raconte le Dr Michel Chassang, également président de la CSMF. Car, pour ce dernier, les médecins sont victimes d’une « stigmatisation » de la part du gouvernement qui « cherche à taxer toujours plus ». Dernière mesure en date : l’introduction d’une possible majoration de 40% de la cotisation foncière des entreprises (CFE), ex-taxe professionnelle, pour les bénéfices non commerciaux (BNC) dans le projet de loi de finances 2014 voté en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
Déjà en 2012, la note était salée. Certains cabinets avaient vu leur CFE tripler, passant de 500 euros à 1 500 euros. « Une année noire pour les médecins », se rappelle le conseiller fiscal de l’UNAPL, Fabrice de Longevialle. Le cas du Dr Olivier Petit, installé à Saint-Bel près de Lyon, en est un parfait exemple. « Avant on payait la CFE individuellement, or, cette année, avec mon associé, nous sommes en SCM, nous devons régler nos deux parts, plus celle de la société. On va payer trois fois ! », s’insurge le généraliste. Plus au sud, à Nîmes, le Dr Jean-Pierre Bruno, président de l’Unof du Gard, débourse environ 1 000 euros de CFE, une somme « délirante ». « Nous avons des conditions de travail de plus en plus difficiles et le fisc ne nous fait pas de cadeau. » Des situations fiscales aux conséquences fâcheuses pour certains médecins qui s’interrogeraient même parfois sur la viabilité de leur cabinet. Le Dr Serge Bernstein, installé à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis), est actuellement en train de « voir » s’il va garder sa secrétaire. 70 % de son C à 23 euros est consacré aux charges sociales et aux frais du cabinet ! Ce généraliste de secteur 1 qui a fait le choix de « jouer le jeu de la modération » est d’autant plus « embêté » qu’à ses yeux la participation des caisses aux charges sociales baisse d’année en année.
L’affaire de la CFE n’est pas terminée
Alors que les médecins tirent la sonnette d’alarme, l’année 2014 ne s’annonce pas plus glorieuse pour les professionnels libéraux. C’est même tout l’inverse qui se profile. Pourtant, de nombreuses plaintes sur la CFE étaient remontées jusqu’aux pouvoirs publics. D’où la modification du barème de l’ex-taxe professionnelle, « plus favorable que l’ancien » selon le conseiller fiscal de l’UNAPL dans le projet de loi de finances 2014… sauf pour les BNC et, donc, les médecins libéraux, pour lesquels les collectivités locales auront la possibilité de mettre en place un barème moins avantageux ! « On nous considère comme des nantis parce qu’on est en BNC. C’est une mesure discriminatoire », dénonce le Dr Chassang qui entend bien saisir le Conseil constitutionnel sur cette question. Dans l’exposé des motifs du texte, le gouvernement argue du fait que, au regard des autres redevables de la CFE, les titulaires de BNC auraient des « facultés contributives » plus importantes. « Pour ces derniers, en effet, les charges externes sont en moyenne plus faibles que pour les titulaires de bénéfices industriels et commerciaux, ce qui leur permet de produire, avec un même montant de CA ou de recettes, une valeur ajoutée environ 2,5 fois plus élevée, permettant de dégager un bénéfice environ deux fois plus important ».
Une explication alambiquée censée permettre aux collectivités locales de taxer davantage les médecins installés en libéral ! (voir le nouveau barème). Ainsi, pour une entreprise réalisant un chiffre d’affaires annuel de 200 000 euros, la municipalité pourra décider de faire payer 3 500 euros pour la plupart des entreprises, mais 5 000 euros pour un BNC. L’UNOF-CSMF n’hésite pas à parler de « matraquage fiscal » qui est d’autant plus « insupportable » selon le syndicat que « les médecins généralistes libéraux participent déjà
aux efforts de redressement du pays dans le cadre des autres impositions auxquelles ils sont assujettis comme tous les Français ».
La douloureuse pour les familles
De fait, la hausse probable de la CFE pour l’année prochaine intervient à un moment où le gouvernement est à la recherche du moindre sou pour combler les déficits publics. Et compte tenu de leur revenu moyen, les médecins libéraux n’ont pas été épargné par les hausses d’impôts sur le revenu intervenues les deux années précédentes. Le gel du barème et la double baisse du plafonnement du quotient familial (de 2 336 euros par demi-part en 2012 à 2000 en 2013, puis à 1500 en 2014) n’ont pas arrangé les choses. « Ces deux facteurs combinés à l’augmentation des cotisations maladie a inévitablement dégradé la situation des généralistes », constate Fabrice de Longevialle. Certes l’actualisation du barème votée l’année dernière par le gouvernement devrait un peu calmer le jeu. Mais, de l’avis des experts, elle n’aurait pas permis de compenser les pertes liées à la baisse du plafonnement du quotient familial.
« Les médecins généralistes ont été touchés par ces deux mesures au même titre que tous les autres contribuables. Ils n’ont guère été concernés, en revanche, par le plafonnement des niches fiscales car ce dernier est encore assez élevé », observe le président de l’UNASA (Union des associations de gestion agréée), Béchir Chebbah. L’expert-comptable a relevé une augmentation du poste « CSG et autres taxes » – dont en partie encore la CFE – figurant sur leur comptabilité. En 2011, il ne représentait que 4,1% de leur chiffre d’affaires, du fait de recettes supérieurs consécutives au C à 23 euros, contre 4,3% en 2012.
Dans ce contexte de surpression, le chantier de refonte fiscale envisagé par le gouvernement s’annonce difficile. Et les Assises de la fiscalité des entreprises, programmées en 2014, promettent d’être agitées. L’UNAPL a, d’ores et déjà, fait savoir qu’elle n’était pas favorable à la fusion de la CSG et de l’impôt comme à l’introduction d’une progressivité de la CSG. Une dernière hypothèse qui, à défaut de grand soir fiscal, tient la corde. Or si l’on a en tête qu’une CSG progressive serait défavorable, à partir de 3000 euros de revenus mensuels, ça promet pour les médecins !
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