La menace d’un déconventionnement collectif massif plane de nouveau sur le gouvernement. Depuis quelques jours, des médecins libéraux, déçus par des propositions tarifaires mises sur la table par la Cnam, ont décidé de s’engager dans le mouvement de « déconventionnement collectif », initié par le syndicat UFML-S en mars 2023, lors des assises du même nom. Selon le syndicat, qui a créé un site dédié (www.deconventionnement.fr), au 13 février 2024, plus de 4 071 médecins ont signé une lettre d’intention de sortir du contrat les liant à l’Assurance-maladie. Ce chiffre s’est particulièrement accéléré depuis le 8 février, date de la troisième réunion multilatérale de négociations conventionnelles entre la Cnam et les syndicats, soit « dix signatures par heure contre dix par semaine », indique l’UFML-S.
Moyen de lobbying
Cette forte croissance ne déplaît pas au président du syndicat, le Dr Jérôme Marty. Le généraliste de Fronton assume totalement ce « moyen de lobbying » qui cible le cœur du contrat liant la profession avec la société. « Tout se passe comme prévu, analyse-t-il. Ce mouvement fonctionne par étapes. À chaque fois que la profession se rend compte qu’elle ne va rien obtenir ou à chaque humiliation, il y a une hausse des intentions ». Une stratégie clairement affichée par le Dr Marty. Car plutôt qu’une action individuelle, vouée à l’échec, l’organisation compte bien s’appuyer sur ses promesses de déconventionnement collectif pour interpeller les politiques.
« Avec 4 000 médecins déconventionnés et 1 200 patients par médecin par exemple, vont-ils prendre la responsabilité de ne plus rembourser 4,8 millions de patients qui cotisent ? », calcule le Dr Marty. « Ce mouvement est fait pour amener les politiques à négocier et à arrêter de bricoler », ajoute-t-il. Pour l’instant, ces lettres d’intention n’ayant aucune valeur juridique sont mises sous séquestre chez un huissier. L’objectif pour l’UFML-S est d’arriver à « 10 000 voire 15 000 promesses ».
Jusqu’à présent, le mouvement n’a pas eu de soutien de la part des autres syndicats. La CSMF préfère ainsi épauler les médecins qui pratiquent la désobéissance tarifaire, en augmentant le prix de leur consultation. Mais depuis les propositions décevantes de la Cnam, vont-ils changer d’avis, poussés par leurs adhérents ? Pour l’heure, l’UFML-S peut compter sur l’association Médecins pour demain (non représentatifs) avec ses 18 000 membres revendiqués. Dans un communiqué, sa présidente, la Dr Mélanie Rica-Henry a invité l'ensemble des médecins libéraux français à déposer leur lettre d'intention de déconventionnement sur le site dédié et « à s'organiser dès à présent par bassin de vie pour initier des déconventionnements collectifs locaux coordonnés ».
Pas de spécificité corse : la fronde des insulaires
« Nous avons été victimes d’un jeu de dupe. La confiance est rompue ». Le Dr Cyrille Brunel, porte-parole du collectif médecins libéraux (ML) Corsica – regroupant 300 médecins sur 550 en exercice sur l’île – est en colère. Malgré l’appui des syndicats, la Cnam n’a fait aucune proposition conventionnelle spécifique à la Corse. « Il était impossible sur le plan politique que l’île obtienne quelque chose, révèle le généraliste de Furiani. Ce sont les politiques qui ont bloqué le dossier. »
Interrogée par le Quotidien, l’Assurance-maladie a simplement indiqué que certaines de ses propositions vont bien avoir un impact fort sur la Corse. La Cnam cite la création d’une « majoration de déplacement montagne » ou encore la revalorisation des indemnités kilométriques « montagne ». Idem pour « les ouvertures ciblées sur les cumuls d’actes » qui répondraient à des revendications des médecins corses. « C’est totalement insuffisant », commente le Dr Brunel, qui rappelle que son collectif a soumis à la Cnam un rapport de 70 pages, avec des propositions « argumentées et budgétées ».
Face à ce qu’il considère comme un camouflet, le collectif ML Corsica appelle les confrères à rejoindre l’appel de déconventionnement de Médecins pour demain. « Cent médecins ont déjà rédigé leur lettre d’intention », affirme le Dr Brunel. Puis, pour mettre encore plus la pression, un séminaire est organisé le 16 mars à Bastia « pour rediscuter de l’intérêt pour un médecin de rester dans un système conventionnel contraint, qui ne permet pas aux patients d’avoir un accès aux soins de qualité ». « L’objectif n’est pas d’arriver au déconventionnement. Mais la coupe est pleine », conclut le généraliste.
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