C’est un exercice délicat auquel Thomas Fatôme s’est habitué. Auditionné ce mercredi 28 février par la commission des Affaires sociales du Sénat, le directeur général de la Cnam, à l’aise, est revenu sur les négociations conventionnelles avec les médecins. Après une vingtaine de réunions et trois multilatérales, la Cnam estime avoir mis sur la table des propositions « concrètes ».
« C’est un accord sur tout ou un accord sur rien, a martelé Thomas Fatôme. Nous pouvons aller loin dans les revalorisations à condition que nous obtenions un ensemble d’éléments autour des enjeux que j’ai rappelés », a-t-il ajouté avec fermeté. Le point phare de ce deal global reste les revalorisations tarifaires, dont celle du médecin généraliste. Malgré un déficit important de la branche maladie, la Cnam est prête à augmenter le tarif de la consultation à 30 euros. « Passer de 25 à 30 euros [26,50 euros depuis le règlement arbitral], cela représente tout de même une hausse de 20 % des honoraires des médecins traitants », a rappelé Thomas Fatôme, soit une enveloppe financière d’un peu plus de 700 millions d’euros. Cet effort est jugé nécessaire pour répondre notamment à la problématique de « l’inflation ». « Si nous voulons que les tarifs de la Sécurité sociale restent attractifs pour les médecins qui exercent en secteur 1, il faut qu’on s’adapte lorsqu’il y a des années d’inflation significative », a-t-il assumé.
Un investissement important
Au-delà du G, Thomas Fatôme a insisté sur la transformation de la rémunération globale des médecins traitants. Cela passe par la simplification des rémunérations forfaitaires en fusionnant les trois forfaits existants (forfait patientèle médecin traitant, Rosp et forfait structure) en un forfait unique par patient qui sera « augmenté » en fonction de divers objectifs de santé publique (vaccination, dépistage…). « Il ne s’agit pas de faire des économies mais de valoriser l’activité du médecin traitant », a affirmé Thomas Fatôme en réponse aux craintes des syndicats sur les conséquences financières de cette fusion, faute de chiffres concrets.
Dans sa présentation, Thomas Fatôme a aussi insisté sur la capitation, un mode de rémunération forfaitaire (au patient), chère à Emmanuel Macron. Il s’agit de donner la possibilité aux médecins libéraux volontaires d’être rémunérés sous une forme « forfaitaire », « de façon intégrale ou portant uniquement sur une partie de leur activité ». « On souhaite construire un mécanisme qui n’est pas lié à une structure, comme une maison de santé pluriprofessionnelle. On propose une formule où les médecins se mettent d’accord en amont sur un mode de répartition du forfait. On pense que c’est possible », a-t-il ajouté.
Doté d’un « investissement très important », le nouveau contrat conventionnel ne se fera qu’avec des engagements précis, collectifs et chiffrés de la part des médecins. En matière d’accès aux soins par exemple, la profession devra augmenter de 2 % sa patientèle médecin traitant chaque année, recruter des assistants médicaux pour atteindre 10 000 contrats à fin 2024 ou encore s’installer davantage dans les zones sous dotées (+ 7 % par an). « Ce sont des éléments indissociables de ces négociations sur lesquelles nous voulons nous mettre d’accord avec les médecins », a insisté le DG.
« Il ne s’agit pas de faire des économies mais de valoriser l’activité du médecin traitant »,
Thomas Fatôme, directeur général de l’Uncam
La profession devra aussi prescrire moins et mieux en matière de médicaments, d’arrêts de travail, de dispositifs médicaux. Prenant l’exemple des antibiotiques, dont la consommation nationale dépasse « de 20 à 30 % des autres pays européens », Thomas Fatôme a pour objectif de réduire ce taux de « 25 % à l’horizon de 2027 ». Cette logique est ainsi déclinée dans d’autres thématiques comme la polymédication ou la biologie. « 90 % de prescription de vitamine D est aujourd’hui inutile », a-t-il avancé. Dans ce cadre, la Cnam s’est engagée à accompagner les médecins par notamment le financement des groupes de pairs. Au total 15 programmes de maîtrise médicalisée des dépenses sont mis sur la table « avec des objectifs quantitatifs ».
Contrôle des facturations des centres de soins non programmés
Sollicitée par plusieurs sénateurs, la question des centres de soins non programmés dont l’émergence inquiète sera aussi mise sur la table des négociations. « Nous allons en discuter. L’installation d’un centre de soins non programmés qui n’est pas adossée à une organisation territoriale peut déstructurer le système », a déclaré le DG. Mais face à « des comportement de facturation inadaptés », pointés du doigt par le sénateur socialiste Bernard Jomier, la Cnam a d’ores et déjà engagé des contrôles sur ces pratiques. Ces opérations ont abouti à des récupérations d’indus, a ajouté Thomas Fatôme sans plus de détails.
Pour l’instant, personne ne sait quand les négociations prendront fin, et Thomas Fatôme s’est bien gardé d’en dire un mot aux sénateurs. La Cnam prévoit de rencontrer bilatéralement les syndicats cette semaine et la semaine prochaine pour peaufiner sa copie.
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