L'Assemblée nationale reprend mardi après-midi sa deuxième semaine d'examen du projet de loi sur la santé de Marisol Touraine. Et après une première semaine de vives controverses sur les sujets de santé publique, les nombreux articles qui restent à discuter promettent de plus fortes oppositions encore. Ce sera le cas bien sûr concernant les points de frictions avec les médecins libéraux, mais peut-être aussi sur d’autres thématiques comme les salles de shoot et peut-être le don d’organes.
En commission, les députés ont en effet renforcé le principe du consentement présumé au don d'organes, les personnes refusant devant désormais s'inscrire sur un registre national qui entrera en vigueur en 2018. A défaut, elles seront réputées d’accord pour donner leurs organes. Dans ce cas de figure, l’entourage ne serait plus consulté comme aujourdhui pour connaitre la volonté du défunt, mais seulement informé, puisque le prélèvement "peut être pratiqué dès lors que la personne majeure n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement".
C’est le transplantologue Jean-Louis Touraine et la cancérologue Michèle Delaunay qui sont à l’origine de cet amendement à l’article 46 du projet de loi. Pour justifier cette inversion de logique, le député du Rhône et celle de la Gironde rappellent que 18 000 personnes sont en attente de greffes, que ce nombre a triplé en vingt ans et que chaque année, un prélèvement possible sur trois est refusé, avec un taux de refus passé de 9,6 % en 1990, à 33,7 % en 2012. "Chaque année, ce sont des centaines de personnes qui décèdent faute de greffe" soulignent les deux élus socialistes.
Leur argumentaire a fait mouche auprès des députés, puisque, en commission, l’amendement a été adopté à l’unanimité. Le sujet pourrait néanmoins donner lieu à des débats très animés cette semaine, car depuis lors des voix se sont élevées contre un tel virage législatif. C’est le cas de la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation. Dans un communiqué, la SFAR demande le retrait de cette modification jugée "inoportune et irréaliste". "Remplacer ce consensus par un consentement implicite au don (du seul fait de ne pas avoir formalisé une opposition de son vivant) n’augmentera pas le nombre de donneurs mais uniquement les conflits," prédit la SFAR, qui se dit persuadée que "les médecins ne modifieront pas leur attitude au vu de l’amendement." "Croire que les médecins prélèveront dans une telle situation est illusoire", poursuit la SFAR qui "enjoint les anesthésistes réanimateurs confrontés à une telle situation à préserver la mémoire du défunt, la cohésion familiale et des relations médecins-famille sereines. La SFAR ne souhaite en aucun cas encourager le prélèvement d’organes en situation conflictuelle," martèle-t-elle.
Les anesthésistes-réanimateurs ne sont pas les seuls à s’émouvoir. Sur son blog de La Croix, le jésuite Patrick Verspieren, spécialiste des questions éthiques pour l’Eglise catholique, signe un article intitulé "un amendement déplorable." Il y développe son opposition à cette logique de consetement présumé à défaut de refus explicite : "Nest-ce pas (...) considérer le corps humain après la mort comme une réserve d’organes exploitable en fonction des besoins de la société (...) ? N’est-ce donc pas une forme d’appropriation collective des corps ?", s’indigne le religieux, qui rappelle qu’un amendement développant une logique inverse a malheureusement été rejeté. Le médecin généraliste Fernand Siré, député UMP des Pyrénées orientales, proposait en effet que toute personne souhaitant faire don de ses organes après sa mort puisse mentionner cette volonté sur sa carte Vitale... Comme les anesthésistes de la SFAR, Patrick Verspieren craint d’ailleurs que l’amendement Touraine se retourne contre son objectif en faisant baisser les dons d’organes...
C’est aussi le point de vue de France ADOT, la fédération des associations pour le don d’organe, qui "redoute une très forte levée de boucliers contre ce projet. Cela le rendrait inapplicable et pourrait entraîner une forte chute des dons, une méfiance des familles et la remise en cause de la volonté d'être donneur chez nombre de nos concitoyens", estime la Fédération. A la place, France ADOT suggère de mettre en place un "Registre National des Positionnements", qui permettrait d’enregistrer les volontés de ceux qui le souhaitent.
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