Contre l’avis du gouvernement, les députés ont modifié cette nuit la loi Evin, en refusant de revenir sur un amendement du Sénat distinguant information et publicité sur l'alcool. Lors de l'examen en commission en nouvelle lecture du projet de loi Macron pour la croissance et l’activité, les députés n'ont pas suivi le gouvernement qui avait demandé la suppression de cet amendement du sénateur Gérard César (Les Républicains, ex-UMP) adopté début mai par la Haute Assemblée.
La ministre de la Santé, Marisol Touraine, tout comme le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, avaient pourtant appelé lundi les députés à "ne pas changer la loi" Evin encadrant la publicité pour l'alcool. "Le vote de cette nuit est un coup dur porté à la santé publique. Je regrette que la loi Macron serve à détricoter la loi Evin", a déclaré la ministre à son arrivée au congrès de la Mutualité française à Nantes, en ajoutant son souhait que "la suite du débat parlementaire permette de rétablir la loi Evin".
Mais l'ensemble du groupe viticulture de l'Assemblée nationale, présidé par la députée socialiste et viticultrice Catherine Quéré (Charente-Maritime), avait appelé "en conscience et en responsabilité" à maintenir l'amendement voté au Sénat, au motif qu"’il garantit un cadre clair pour la survie de notre viticulture, pour le développement des projets oenotouristiques locaux", entre autres. Le député PS de la Gironde Gilles Savary avait dénoncé une "surréaction du lobby hygiéniste" à l'amendement voté au Sénat. Cet amendement "ne remet nullement en cause, ni l'esprit, ni la lettre de la loi Evin, mais vise à éviter que, dans notre pays, dont la tradition viticole ancestrale s'est fortement imprimée dans la culture, et désormais dans notre économie et dans les rares succès de notre commerce extérieur, il devienne risqué pour un journaliste, un cinéaste ou un romancier d'évoquer nos produits vinicoles ou d'y faire référence", a-t-il justifié.
Levée de boucliers du monde de la santé
Aussitôt, les associations pour la santé et la prévention de l'alcoolisme sont montées au créneau. "Nous sommes outrés et scandalisés de voir des intérêts particuliers s'introduire dans une loi économique pour faire passer un amendement qui va avoir un impact sur la santé publique", a déclaré Alain Rigaud, président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa). "Nous sommes très inquiets parce que l'alcool n'est pas un produit comme un autre. Sa consommation comporte beaucoup de risques et plus on le valorise par la publicité, plus on escamote ces risques" souligne-t-il.
Fait inhabituel, l'Institut national contre le cancer (Inca) a aussitôt pris la parole pour "rappeler les enjeux majeurs de santé publique que sont les liens entre alcool et cancer et l'impact de la communication sur la consommation d'alcool". L'alcool est la "deuxième cause évitable de mortalité par cancer en France après le tabac", provoquant 15.000 décès par cancer chaque année, rappelle l'Inca. "Ce constant est d'autant plus alarmant que la consommation d'alcool en France demeure l'une des plus élevées en Europe, où la France se classe en 5e position".
La Ligue contre le cancer se mobilise également contre l'amendement : "Face au danger que l'alcool représente pour la population et les générations futures, il serait inadmissible voire meurtrier d'assouplir la loi Evin concernant la publicité sur l'alcool".
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique
« Cela correspond totalement à mes valeurs », témoigne la Dr Boizard, volontaire de Médecins solidaires
Denis Thuriot (maire de Nevers) : « Je songe ouvrir une autre ligne aérienne pour les médecins libéraux »