La Carmf doit-elle piocher dans ses réserves pour aider financièrement les médecins libéraux dont l’activité a considérablement chuté depuis le début de l’épidémie de Covid-19 ? La question anime — et divise — la profession depuis que la CSMF a demandé, début mai, à la Carmf d'utiliser une partie de celles-ci pour attribuer une indemnité à tous les praticiens cotisants. Sur legeneraliste.fr, l'égalité était parfaite vendredi entre les praticiens favorables à cette solution et ceux y étant opposés (43,2 % des deux côtés, débat toujours en cours).
Lundi, la Carmf s’est opposée à cette possibilité. Faisant valoir que ses réserves, estimées à environ 7 milliards d’euros avant la crise, avaient depuis fondu de 40 %, le Dr Thierry Lardenois, président de la Caisse a qualifié la proposition de la CSMF de « revendication démagogique ouvrant la porte à l'État pour piquer les réserves », en référence à l’article 3 du projet de loi « portant diverses dispositions urgentes pour faire face à la crise de Covid-19 », déposé par le gouvernement le 7 mai.
Mercredi, lors d'une conférence de presse, le Dr Jean-Paul Ortiz a persisté et signé. Le patron de la CSMF a ainsi assuré avoir reçu des garanties de Ségur et de Matignon et souligné que l’article 1 de ce même projet de loi « autorise l’instance de gouvernance » du « régime de retraite complémentaire des professions artisanales et commerciales disposant de réserves financières en partie liquides de ce régime » à utiliser celles-ci « pour financer une aide financière exceptionnelle apportée à ces entrepreneurs, en veillant à ce que la capacité du régime à honorer ses engagements à court, moyen et long termes, ne soit pas altérée ».
Vers une aide forfaitaire ?
Farouchement opposée à la mobilisation de ses réserves, la Carmf est néanmoins à l’œuvre pour aider les praticiens. Dans un communiqué paru jeudi soir, le SML a ainsi affirmé que « la première étape vers la création d’une aide » de la Carmf aux médecins venait « d’être franchie avec succès ». Celle-ci serait « similaire » à celle octroyée aux indépendants (artisans et commerçants) relevant du Régime Complémentaire des Indépendants (RCI). Cette aide, d’un montant de 1 250 euros, a été validée par le gouvernement après que ce dernier a vérifié qu’elle provenait de liquidités, que son attribution n'impliquait pas la revente d’immobilier, et qu’un fond de roulement de 33 % des cotisations de l’année était conservé.
Contacté par Le Généraliste ce vendredi, le Dr Philippe Vermesch, président du SML, affirme que la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, (CNAFPL, tutelle de la Carmf) soutient la proposition du Dr Thierry Lardenois. Réunie en conseil d’administration ce vendredi, l’aide de la Carmf devrait être annoncée d’ici la semaine prochaine.
« Il y a un accord. Ça va être une somme forfaitaire pour tous les médecins cotisants et ça n’attaque pas les réserves, avance le Dr Vermesch. De plus, cette aide sera nette d’impôts et de charges sociales. Ce qui ne serait pas le cas avec la proposition de la CSMF. C’est quand même très avantageux. » Refusant de se prononcer sur le montant de cette aide, le président du SML confie toutefois qu'il devrait être « significatif ». Il se réjouit par ailleurs que le montant soit le même pour tous les praticiens : « C’est bien d’avoir une solidarité entre médecins ». Et d'insister : « C’est un beau geste que la Carmf envisage de faire ».
« Pas question d’entamer nos réserves », clame le patron de la FMF
Joint ce vendredi midi, le président de la FMF, le Dr Jean-Paul Hamon, se dit satisfait par la piste sur laquelle travaillait la Carmf. « Je suis tout à fait sur la ligne des Drs Lardenois et Petit (vice-président de la Carmf et en charge de la question des retraites à la FMF) », confie-t-il. « La Carmf assure nos retraites. Il n’est pas question d’entamer ses réserves alors que c’est l’Assurance maladie qui devrait indemniser les médecins libéraux », relève-t-il. Selon le patron de la FMF, la Cnam aurait ainsi dû verser un douzième des honoraires habituellement perçus aux médecins libéraux par mois, moins les honoraires perçus sur la période. Et non une indemnité couvrant les seules charges fixes des cabinets.
« Si on doit percevoir une aide de la Carmf, cela ne doit provenir que des liquidités », estime-t-il donc. Et le Dr Hamon de suggérer que cette aide prenne la forme d’une exonération de cotisations de « deux à trois mois ». Par ailleurs, le président de la FMF estime lui aussi que l’article 3 du projet de loi « portant diverses dispositions urgentes pour faire face à la crise de Covid-19 » « menace clairement les réserves ». Et ce, même si Bercy a assuré au Généraliste que ce texte « n'autorise en aucun cas l'État à utiliser les réserves des médecins ». « Je ne crois plus aux paroles, je veux des textes », lance-t-il.
Également contacté ce vendredi, le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, est quant à lui « d’accord pour mobiliser une partie des réserves de la Carmf, dans la mesure où cela ne met pas en cause la retraite des générations futures ». Le généraliste explique qu’il faut donc trouver « un compromis » permettant de ne pas « hypothéquer les réserves ».
Enfin, le Dr Battistoni souligne que « les liquidités doivent payer les retraites en cours ». « Les liquidités, c'est de la trésorerie. Si la Caisse en a moins, à un moment donné elle sera obligée de la reconstituer avec ses réserves », conclut-il.
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