C’est certes un coup de com’ efficace mais d’un goût plutôt douteux. Le Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (Syngof) a envoyé aujourd’hui un mail à ses adhérents dans lequel il menace d’arrêter la pratique des IVG si le gouvernement n’accède pas à sa demande.
Le cœur du litige ? Un problème assurantiel qui touche notamment les gynécologues obstétriciens. En 2002 les assureurs ont décidé de plafonner leur assurance, entre deux et six millions d’euros. Or, « les sinistres les plus graves peuvent dépasser les 10 millions », explique le Dr Jean Marty (photo), secrétaire général du Syngof et auteur du mail. En 2012 le fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé (FAPDS) a donc été créé pour couvrir les trous de garantie de l’assurance. « Mais à notre grande surprise le fonds ne couvrent pas les premiers sinistres de 2002 à 2012 », explique le Dr Marty. Une quinzaine de médecins se retrouvent donc en grande difficulté. Le syndicat demande depuis des années une extension de ce fonds mais sans succès. « À chaque fois, le ministère nous répond qu’ils le feront à la prochaine loi mais à chaque fois ils repoussent », souligne le Dr Marty. Le Syngof a en effet déposé un amendement dans la loi Santé, mais le gouvernement leur a fait savoir qu’il le rejetterait.
« Donner l'ordre d'arrêter les IVG »
C’est ce qui a décidé le syndicat à taper fort. Dans son mail, le Syngof se dit, « être prêt à arrêter la pratique des IVG pour [se] faire entendre ». « Préparez-vous donc à ce que le syndicat vous donne l’ordre d’arrêter les IVG si la ministre de la Santé refuse de nous recevoir », trouve-t-on encore dans la newsletter. « Je me suis dit, il n’y a qu’une solution, il faut qu’on parle d’IVG, parce que les gens sont tellement sensibles sur cette question. Il faut ça pour les faire réagir », confie le Dr Marty. « Depuis ce matin effectivement, on n’arrête pas de m’appeler donc mon idée était excellente », souligne le gynécologue, pas peu fier de son initiative.
@agnesbuzyn @MarleneSchiappa
— Ann (@Marianntoinette) 12 mars 2019
Délit d'entrave à l'IVG, menace de chantage envisagé et planifié ce jour-même par le 1er syndicat des gynécologues-obstétriciens
Faites tourner, mobilisez-vous pour détruire ce syndicat hostile dont les femmes sont la dernière des préoccupations pic.twitter.com/rA94b2JD7i
Une prise en otage des femmes
Le syndicat a donc décidé de faire de l’entrave à l’IVG une opération marketing sans craindre les répercussions de cette initiative. Il y a quelques mois, le président du Syngof, le Dr de Rochambeau, avait déjà créé la polémique après ses propos sur le délit d’entrave à l’IVG. « Nous avons des gens qui vont être ruinés pour des problèmes de responsabilité donc nous n’avons pas peur de recevoir des coups de bâton médiatique », répond le Dr Marty, qui assure toutefois que son syndicat « n’a pas de problème avec l’IVG ».
Le syndicat s'est attiré les foudres de la ministre de la Santé. Dans un communiqué Agnès Buzyn, souligne « le caractère inadmissible de ces menaces ». « Une telle prise en otage des femmes ne peut servir de levier de négociation ou de médiatisation de ce dossier que le ministère suit de très près » ajoute-t-elle. La ministre regrette également « l’image faussée des médecins gynécologues obstétriciens de France que renvoient ces nouvelles déclarations inacceptables de la part d’un syndicat qui entend les représenter ».
Le collège national des gynécologues et obstétriciens, par la voix de son président Israël Nisand a d'ailleurs fait savoir qu’il était « en total désaccord avec le Syngof sur une éventuelle grève des IVG ». L’Ordre des médecins a également « condamné fermement » ce jeu dangereux du syndicat, « qu’aucun conflit avec les autorités ne saurait justifier ». Même si le Syngof reconnaît avoir surtout cherché le buzz médiatique, le Dr Marty l'assure malgré tout : « s’il faut passer à l’exécution, nous le ferons ».
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