Crise sanitaire oblige, le 14e Congrès de la médecine générale France (CMGF) du 2 au 3 juillet s’est adapté avec un format virtuel. Cela n’a pas empêché le Dr Paul Frappé, président du Collège de la médecine générale de porter de nombreuses revendications de la profession dans un discours d'ouverture musclé.
Pour le généraliste stéphanois, revaloriser la médecine générale ne consiste pas à « maquiller les médecins en superhéros » mais à « lutter contre les idées reçues », à « renforcer les contacts avec les étudiants » et aussi à « rééquilibrer les rémunérations ». « Sur les 15 pays de l’OCDE, les revenus des généralistes français se situent au 11e rang. Ils sont aussi deux fois inférieurs à ceux des spécialistes libéraux », a-t-il résumé. Le président du collège de la médecine générale insiste sur le rôle de « guichet unique » du médecin traitant, refusant ainsi « toute fragmentation du premier recours où le patient se verrait rejeter si sa demande ne rentre pas dans les motifs de prise en charge de consultation ».
Sirènes et gyrophares
Le médecin dénonce aussi un projet « inutile » qui consiste à confier le pilotage de la recherche en soins primaires aux CHU. « Comment peut-on confier la recherche à une institution qui l’a longtemps historiquement ignorée quand elle ne s’y est pas opposée ? », rappelle-t-il. Sur le financement de la médecine générale, le président du Collège rappelle qu’il n’y a pas de mode de rémunération parfait (paiement à l'acte, capitation, forfaits, paiement à la performance.). Sur la ROSP, « les indicateurs doivent être consensuels et renouvelés lorsque leur capacité de stimulation s’épuise comme c’est le cas de la fréquence de prescriptions des HbA1c », avance le Dr Frappé.
Autre revendication forte : la suppression des certificats inutiles qui encombrent les cabinets médicaux et l'encadrement des nouveaux services (délivrance d’arrêt maladie ou d’ordonnance) qui dérégulent le parcours de soins. Sur l’exercice coordonné, le Dr Frappé souligne la mobilisation de la profession pour commencer des réorganisations sur le territoire afin de prendre en charge les patients pendant la crise. Selon lui, beaucoup de médecins n’ont pas reçus suffisamment de soutien de la part des ARS, captivées par « les sirènes et les gyrophares des services hospitaliers, oubliant que 80 % des patients ont été pris en charge en ville ».
Sur la prise en charge des soins non programmés, le Collège refuse que la généralisation des plages de plannings sans rendez-vous soit l'unique solution. « C’est une source d’inégalités sociales pour les patients qui ne peuvent pas se payer le luxe de faire la queue dans les salles d’attente », prévient-il.
Aller plus loin que la loi Santé
Ces revendications n’ont pas eu véritablement d’écho auprès d'Olivier Véran. Dans un message enregistré et diffusé en ligne, le ministre de la Santé n'a fait aucune annonce pour la profession. Le neurologue s’est contenté de rappeler le cap des réformes à venir car il ne conçoit pas « le Ségur comme l’ébauche d’une énième transformation du système de santé ».
« La loi santé votée a donné tous les leviers pour engager la transformation. Le Ségur doit replacer cette transformation dans une dynamique positive pour lui redonner les moyens d'aller plus loin », dit-il. C’est le cas pour la télémédecine qui est devenu « un outil pertinent » et « intelligent » dans la lutte contre les déserts médicaux.
Olivier Véran a aussi évoqué la question de l'accès aux soins non programmés, « une nécessité pour éviter les recours systématiques à l’hôpital et aux urgences ». Sur ce sujet, les libéraux pressent depuis plusieurs semaines le ministre à rendre son arbitrage sur le service d’accès aux soins (SAS) et le numéro unique de régulation. Mais visiblement, Olivier Véran semble vouloir prendre encore du temps : « Le débat sur le numéro unique se poursuit », avoue-t-il.
Ne pas dénaturer la profession
Quant à l’exercice coordonné, l'hôte de Ségur reconnaît qu’il faudra accélérer ce mouvement vers une « médecine collective ». Il invite les médecins à s’y engager pleinement sans dire pour autant s’il compte dégager davantage de financement à cet effet. Dans ce cadre, le ministre ne renoncera pas à faire évoluer les métiers et les périmètres de compétences de chacun. « Le médecin ne va pas continuer à faire ce qui relève de l’infirmier ou du pharmacien […], a-t-il lancé. Cela ne signifie pas pour autant remettre en cause les prérogatives médicales, dénaturer la profession ni modifier le positionnement [des médecins généralistes] dans le système de soins. »
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