La Grande Sécu s'imposera-t-elle parmi les thèmes de la campagne présidentielle ? Rares sont les candidats qui osent pour l'instant se frotter au sujet mais en, en tout cas, le Haut conseil pour l'avenir de l'Assurance-maladie (Hcaam) devrait, avec quelques semaines de retard sur le calendrier initial, rendre sa copie au gouvernement en fin de semaine. Une version revue, corrigée et augmentée par rapport à celle qui était déjà sur la table cet automne et contre laquelle un grand nombre de ses membres, notamment les syndicats de médecins libéraux, avaient protesté la jugeant impartiale puisqu'elle faisait la part belle au scénario redouté décrivant une Grande Sécu (extension du champ de l'assurance-maladie obligatoire).
Que deviennent les dépassements ?
Désormais, dans le document final – que « Le Quotidien » s'est procuré – sur les « quatre scénarios polaires d’évolution de l’articulation entre Sécurité sociale et Assurance maladie complémentaire », chaque hypothèse est traitée sur pied d'égalité.
Le deuxième, celui qui recouvre l'idée d'une Grande Sécu supprimant tous les tickets modérateurs, et qui semblait correspondre à la commande du gouvernement, ne donne plus l'impression d'être privilégié. C'est aussi de ce scénario dont les grands gagnants seraient les retraités qui économiseraient en moyenne 260 euros par an et même 400 euros par an pour les plus de 80 ans.
Dans les diverses hypothèses du rapport, les dépassements d'honoraires ne seraient toujours pas compris, même si le Hcaam garde la porte ouverte à leur « réanalyse fine et différenciée » afin de voir si une partie (de ces dépassements) « s'explique par des tarifs sous-cotés et doit être pris en charge par la Sécurité sociale, sous forme de revalorisation du tarif de responsabilité de certains actes ou de paiements alternatifs ». Il rappelle aussi la Grande Sécu permettrait de généraliser plus facilement le tiers payant.
Le retour du bouclier sanitaire
Le rapport se ménage deux portes de sortie. Il réserve un long dégagement au sujet des couvertures de prévoyance des entreprises que le Hcaam souhaite voir encourager. Et surtout, il consacre une annexe non prévue au départ au « bouclier sanitaire », serpent de mer de la protection sociale. Pour mémoire, ce mécanisme consisterait à plafonner le cumul des restes à charge pour l'assuré. Dès que ce cumul atteint un certain plafond, les dépenses de santé suivantes sont prises en charge à 100 % par l'Assurance-maladie obligatoire (AMO). De cette manière, le montant maximum de restes à charge cumulés ne peut excéder ce plafond, d’où le terme « bouclier sanitaire ».
Le Hcaam teste ainsi plusieurs hypothèses avec différents montants de plafonds portant soit uniquement sur l'hôpital soit sur l'hôpital et la ville. Deux d'entre elles sont plus particulièrement analysées : un bouclier sur les soins hospitaliers de 1 100 euros par an et un bouclier de 1 400 euros par an sur les soins de ville et les soins hospitaliers. Le premier coûterait un milliard d'euros et le second deux milliards aux finances publiques. « Ils n’ont pas vocation à modifier profondément le partage des rôles entre AMO et AMC mais seulement à éviter l’existence de restes à charge catastrophiques », souligne le Hcaam.
Un tel bouclier pourrait répondre à une partie de la question posée par le gouvernement et être mis en place indépendamment des scénarios de redistribution des rôles entre l'AMO et les complémentaires. Il viendrait cependant bousculer les pièces du jeu car les assurés – s'estimant mieux protégés – pourraient être tentés de ne plus souscrire du tout à une complémentaire. Il reste que le bouclier sanitaire n'a pas davantage vocation à prendre en charge les fameux dépassements d'honoraires. Cette question des dépassements d'honoraires, « transversale à l'ensemble des scénarios », rappelle le Hcaam, fera l'objet d'un axe spécifique des prochains travaux sur la médecine spécialisée.
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