La crise sanitaire a sans doute démontré que le modèle de régulation des dépenses de santé d'avant l'épidémie ne pourra plus perdurer. C'est dans cet esprit que malgré un nouveau risque de dérapage pour 2021, l'Assurance-maladie a fait le choix d'écarter toute cure d'austérité pour amortir les chocs.
Pour contribuer au respect de l'ONDAM, les économies programmées dans son traditionnel rapport dit « charges et produits » s'élèvent à 1,015 milliard d'euros, en légère baisse à l'an passé (1,07 milliard d'euros). Ces efforts n'incluent pas les mesures sur les prix des produits de santé (sous la houlette du comité économique des produits de santé – CEPS) et la régulation gouvernementale du médicament (clauses de sauvegarde sur le chiffre d’affaires). Les actions envisagées sont quasi les mêmes que celles de l'année dernière.
Propositions de mesures pour l'ONDAM 2022

Source : CNAM
IPP, paracétamol, antidépresseurs… la juste prescription des produits de santé
Il s'agit tout d'abord de traquer les dépenses inutiles en prônant le bon usage des produits de santé. La CNAM attend 490 millions d'euros d'économies (soit 30 millions de plus que l'année dernière) dont 290 millions sur les médicaments et 150 millions d'euros sur les dispositifs médicaux. Pour 2022, l'Assurance-maladie veut promouvoir la prescription efficiente des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), du paracétamol et des antidépresseurs.
Sur les IPP par exemple, prescrits par 69 % des médecins généralistes et dont les remboursements s'élèvent à 307 millions d'euros, le rapport indique que 45 % des ordonnances ayant fait l'objet d'au moins une délivrance en 2019 étaient injustifiées. La Sécu espère ainsi réaliser 30 millions d'euros d'économies en sensibilisant les professionnels de santé sur la prescription systématique d'un IPP en association aux anti-inflammatoires non stéroïdiens injustifiés dans les situations à risque, ou encore sur l'intérêt de prescrire au-delà de quatre semaines dans le reflux gastro œsophagien (RGO) doit être évalué au cas par cas.
Chez les personnes âgées de plus de 75 ans, la juste prescription des antidépresseurs doit procurer 25 millions d'euros d'économies, grâce à la poursuite de la campagne de sensibilisation prévue auprès des médecins traitants qui suivent les patients de 65-75 ans et l'élargir aux patients de plus de 75 ans. Pour renforcer le suivi à domicile des personnes âgées à domicile, la CNAM mise aussi sur le développement des visites gériatriques des médecins libéraux négociées dans le cadre de l'avenant 9.
Introduite l'année dernière, la dispensation adaptée, dispositif conclu avec les pharmaciens qui permet aux officinaux d'ajuster la délivrance de la quantité pertinente de médicaments afin d’éviter le risque de mésusage, reste un levier d'économies important pour la caisse : 60 millions d'euros sont espérés.
Génériques et biosimilaires, même combat
La diffusion des génériques doit procurer 45 millions. La caisse fait valoir que la mise en œuvre de l'article 66 de la loi de financement de 2020 a permis d'atteindre un taux de substitution de 91,6 % en 2020 (contre 87,7 % en 2019). Et le taux de recours à la mention « non substituable » (NS), en baisse, atteint 2,9 % en décembre 2020 (soit 4,9 points de moins que fin 2019).
L'Assurance-maladie mise aussi sur une meilleure pénétration des biosimilaires : des médicaments à efficacité équivalente aux produits référents mais dont les prix sont inférieurs à environ 30 %. Pour réaliser 10 millions d'économies, la CNAM propose d'introduire un dispositif d'intéressements des prescripteurs libéraux à la prescription de biosimilaires dans le cadre de l'avenant 9 et rendre possible la substitution de ces médicaments par les pharmaciens d'officine, en initiation de traitement, hors traitements chroniques.
Concernant les dispositifs médicaux inscrits à la liste des produits et prestations (LPP), la caisse veut réduire « l'asymétrie d'information entre les professionnels de la LPP et les prescripteurs par de nouvelles actions en 2022 » pour des économies attendues de 150 millions d'économies (contre 100 millions en 2020).
Actes et prescriptions : pas de rabot
Dans le chapitre des actes et prescriptions (autres que produits de santé), la CNAM vise 340 millions d'euros en baisse par rapport à l'année dernière (438 millions d'euros). En pleine crise sanitaire, la CNAM ne souhaite pas clairement sortir le rabot face à une activité libérale qui n'a pas encore retrouvé son rythme de croisière. N'empêche, elle souhaite maîtriser l'évolution des dépenses d'arrêt de travail. Pour réaliser 100 millions d'euros d'économies dans ce cadre, la caisse veut rénover sa stratégie de gestion des IJ. Au lieu de campagnes ponctuelles, elle met en place un traitement par le service médical basé sur les échanges réguliers avec les prescripteurs à partir d'un système de détection précoce des assurés en arrêt de travail.
L'objectif est d'évaluer la situation médicale de l'assuré avec les prescripteurs et de les inciter au respect des durées indicatives, dans une logique de reprise du travail des assurés. En raison de la crise, la Caisse a dû reporter l'expérimentation de « plateformes de services départementales » pour prévenir la désertion professionnelle. Relancé en juin 2021, ce test va concerner 14 territoires jusqu'à fin 2022. Agir contre les actes inutiles et les facturations inadaptées notamment des paramédicaux est un axe d'économie important pour la caisse (80 millions d'euros). Pour éviter les anomalies et les éventuels indus, elle compte accompagner les infirmiers libéraux qui s'installent pour expliquer comment facturer.
La lutte contre les fraudes
C'est l'un des axes prioritaires de l'Assurance-maladie. Pour 2021-2022, un nouveau plan national va être lancé d'ici à fin 2021 visant notamment les fraudes de trafic de médicaments en constante augmentation (hausse de 3,9 millions du préjudice pour l'Assurance-maladie), des centres de santé ophtalmologiques ou encore la fraude à la LPP. Plusieurs leviers d'actions sont au programme : recours à l'intelligence artificielle et aux outils de big data pour repérer les atypies dans les bases de l'Assurance-maladie, renforcement de la e-prescription, augmentation des contrôles et des sanctions des fraudes avérées et sensibilisation des acteurs. Des actions qui permettront à la CNAM de récupérer 150 millions d'euros d'économies.
Comme les autres années, le train de mesures de la CNAM permettra au gouvernement de préparer son budget de la Sécurité sociale (PLFSS 2022) qui sera débattu à l’automne. Face au déficit abyssal qui attend la Sécu, pas sûr que ces efforts suffisent.
En direct du CMGF 2025
Un généraliste, c’est quoi ? Au CMGF, le nouveau référentiel métier redéfinit les contours de la profession
« Ce que fait le député Garot, c’est du sabotage ! » : la nouvelle présidente de Médecins pour demain à l’offensive
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent