C'est la « plus grande réforme sociale du quinquennat » et qui a bénéficié à 10 millions de Français, a vanté ce mardi le ministère de la Santé. La mise en œuvre progressive entre 2019 et 2021 du « 100 % santé », le dispositif qui garantit la possibilité d'un équipement sans reste à charge pour l'assuré dans les domaines de l'optique, de l'audioprothèse et du dentaire, est même allée « au-delà des espérances » de l'avenue du Ségur, en particulier pour le dernier secteur. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a tenu mardi matin la dernière réunion avant l'élection présidentielle du comité de suivi de cette réforme pour communiquer sur des chiffres flatteurs.
En audiologie, une « forte hausse du recours à l’offre 100 % santé est constatée », assure le ministère : 39 % des équipements achetés relevaient du panier sans reste à charge entre janvier et novembre 2021. Près de 800 000 aides auditives, dans le cadre d'un des paniers du « 100 % santé » ont été vendues depuis le début de la réforme.
Dans le secteur dentaire cette fois, en moyenne sur les onze premiers mois de 2021, 55 % des actes prothétiques ont été réalisés sans reste à charge pour le patient. Plus de 6 millions de Français ont bénéficié du dispositif pour des soins dentaires depuis 2019.
Répression des fraudes et sanctions de la Cnam
En optique toutefois, les résultats sont nettement moins bons : 17 % des ventes de lunettes l'ont été dans le cadre d'un panier « 100 % santé » en 2021 – soit toute de même 4 millions de bénéficiaires depuis le déploiement de la réforme à partir de 2020.
Mais c'est aussi ce secteur qui semble dans le viseur de la répression des fraudes (DGCCRF) qui a contrôlé 700 magasins d'optique et d'audioprothèses et qui devrait publier son rapport au printemps. Des procès-verbaux ont déjà été dressés pour des manquements constatés, notamment des défauts de présentation de devis aux clients et/ou des montures sans reste à charge. L'Assurance-maladie pourrait sévir : les sanctions peuvent aller jusqu'à 4 % du chiffre d’affaires de la boutique, souligne le ministère.
Olivier Véran a réaffirmé son attachement à ce que les assurés puissent bénéficier du tiers payant intégral sur leurs dispositifs 100 % santé et le ministère promet déjà une amélioration des paniers sans reste à charge d'ici à la fin de l'année. Revers du succès : même si les chiffres de 2021 ne sont pas consolidés, la réforme a coûté plus cher aux finances publiques que le milliard prévu dont les trois quarts pour l'Assurance-maladie.
Recul du reste à charge moyen
Pour sa part, l'Unocam, qui rassemble les trois familles de complémentaires, a également dressé son propre bilan positif de la réforme, en adoptant le point de vue du reste à charge, dont elle a comparé l'évolution entre le premier semestre 2019 et le premier semestre 2021.
Ainsi, celui-ci a reculé de 9 points pour les audioprothèses à hauteur de 38 % de la dépense (soit 282 euros en moyenne de moins à payer pour le patient) et de 12 points pour les prothèses dentaires à hauteur de 27% (soit 75 euros). À l’inverse, en matière d'optique, le reste à charge a augmenté de 40 euros en moyenne par assuré.
Les complémentaires corroborent le constat du ministère d'un recul des renoncements aux soins, en particulier dans le domaine des prothèses auditives où il était très conséquent. Le nombre d'assurés s'étant équipé a bondi de 51 % sur la période et le nombre d'équipements remboursés a progressé de 67 %.
Réformer la formation des ORL ?
Un succès validé par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) qui, dans un rapport rendu public mi-janvier, précise toutefois que la « croissance du volume des ventes d'aides auditives, plus forte qu'attendue si l'on en juge les chiffres du premier semestre 2021 (+70 %), est intervenue tardivement ». La part des aides auditives dans le panier sans reste à charge a atteint 40 %, dépassant « les attentes des acteurs du marché ». Selon l'Igas, la réforme du 100 % santé n'épuise pas les sujets de la santé auditive dont elle a agi comme un « révélateur des enjeux ».
L'Igas appelle notamment à une évolution du contenu de la formation des audioprothésistes ainsi que du nombre de professionnels formés. Mais elle estime aussi que les « ajustements de la formation des ORL devraient prioritairement viser à renforcer l’attractivité de la pratique médicale de l’ORL en créant notamment au sein du DES un parcours centré sur l’audiologie et les explorations fonctionnelles ainsi qu’une formation spécifique transversale (FST) en audio-vestibulométrie ». Une recommandation accueillie par une « grande vigilance » par le Syndicat national des ORL.
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