À Mayotte, un habitant sur neuf s’estimait en mauvaise ou très mauvaise santé en 2019. Une part beaucoup plus importante qu'en métropole alors que la population y est significativement plus jeune. C'est ce constat de l'Insee qui a poussé des sénateurs et des sénatrices de la commission des affaires sociales à se rendre dans les départements de l'Océan indien cet hiver pour y mener une mission sur l'accès aux soins dont ils ont rendu les conclusions le 27 juillet dernier.
À Mayotte, « le système de soins est en hypertension » ont estimé dans ce rapport d'information les parlementaires d'un groupe transpartisan composé de la Dr Catherine Deroche (LR, Maine-et-Loire), Laurence Cohen (communiste, Val-de-Marne), Jean-Luc Fichet (socialiste, Finistère) et Dominique Théophile (LREM, Guadeloupe). Leurs constats sont, en effet, édifiants. Dans ce DOM, la mortalité infantile atteint 9,6 pour mille naissances (versus 3,8 en métropole), la malnutrition touche 10 % des enfants de 4 à 10 ans, 26 % de la population était obèse en 2019. Et certaines maladies infectieuses disparues ailleurs sont toujours présentes notamment l'hépatite A ou connaissent des résurgences comme le choléra et les fièvres typhoïdes.
Ce mauvais état de santé est essentiellement lié à la pauvreté : 29 % des ménages n'ont pas accès à l'eau dans leur logement. Le renoncement aux soins est également massif : il concerne 45 % des habitants de plus de 15 ans. Un tiers de la population ne se soigne pas pour des raisons d'argent. En effet, malgré les promesses de 2018 dans le cadre du plan pour l'avenir de Mayotte, ni la Puma (protection universelle maladie, ex-CMU) ni la complémentaire santé solidaire (CSS, ex CMU-C) ne sont applicables dans ce département ultramarin, contrairement à sa voisine La Réunion.
Évacuations sanitaires
Sur l'archipel, l'offre de soins se concentre sur son centre hospitalier (CHM) organisé sur un site principal à Mamoudzou, quatre centres médicaux de référence comprenant des maternités ainsi qu'une douzaine de dispensaires. L'offre de soins privée ne couvre que l'activité de dialyse et seulement 390 professionnels de santé libéraux exercent sur ce territoire qui « souffre d'un manque d'attractivité dû notamment à la situation sociale tendue et à l'insécurité préoccupante », écrivent les sénateurs.
Face à ces insuffisances, les transferts et les évacuations sanitaires sont indispensables et en augmentation constante : 1 451 patients ont été évacués vers La Réunion l'année dernière, trois fois plus que dix ans auparavant.
En effet, l'activité du centre hospitalier de Mayotte est à près de 59 % accaparée par la maternité. Les naissances, portées notamment par une vague migratoire des Comores, ont d'ailleurs augmenté de 17 % entre 2020 et 2021 et 11 500 accouchements sont attendus en 2022. « Le CHM apparaît aujourd'hui comme un établissement débordé et qui n'est pas en capacité de faire face aux besoins ni d'accueillir les patients dans des conditions satisfaisantes, déplorent les parlementaires. Les soins se concentrent ainsi de fait sur des activités non programmées et les soins urgents. Pas de prévention possible, mais aussi peu ou pas d'activité de chirurgie programmée. »
Rendre effectifs la Puma et la CSS
Les sénateurs saluent néanmoins l'action de l'ARS de plein exercice - qui a été créé en 2020 et dont les crédits ont triplé par rapport aux financements disponibles en 2017 - pour son « interventionnisme » et son « contact permanent avec le terrain ». Mais ils formulent aussi des recommandations pour l'avenir, dont en premier lieu, de rendre enfin effectifs sur l'archipel la Puma et la CSS. Ils suggèrent aussi de renforcer les offres de consultations de médecine, de soutenir les actions « d'aller vers » à destination des populations les plus précaires, d'assurer rapidement une capacité de recours programmés aux soins primaires et de garantir dans les prochaines années une capacité de soins programmés en chirurgie.
Enfin, la mission invite aussi l'État à adapter le cadre législatif et réglementaire à la situation mahoraise en favorisant autant que de possible les dérogations, comme le suggère le directeur général de l'ARS.
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