L’URPS « médecins » Ile-de-France, en partenariat avec l’ARS, a procédé au recensement inédit des cabinets de groupe franciliens et a mesuré leur ressenti. Les résultats sont édifiants. Sur quelque 1 200 structures, les trois quarts s’estiment fragilisées faute de renouvellement des départs ou à cause du poids des charges et des frais de fonctionnement. Pour l’URPS, le message est clair : à l’heure où les jeunes plébiscitent l’exercice collectif, il serait urgent de conforter ces cabinets de groupe existants plutôt que de tirer des plans sur la comète avec de nouvelles maisons de santé très difficiles à créer.
C’EST UNE PHOTOGRAPHIE PRÉCISE et inédite des cabinets de groupe qui jette une lumière crue sur l’exercice collectif et ses fragilités à court terme. Certes, cet « audit » inquiétant concerne l’Ile-de-France, où l’immobilier est cher ; mais il invite à une réflexion nationale sur la nécessité de conforter l’offre médicale existante, à l’heure où les discours ministériels mettent volontiers en avant le modèle des maisons, pôles et centres de santé, autant de projets souvent difficiles à concrétiser.
Selon ce recensement piloté par l’URPS francilienne, il existe environ 1 200 cabinets de groupe en Ile-de-France, au sens d’une structure comprenant au minimum trois professionnels de santé libéraux dont au moins un médecin (sont exclus les plateaux techniques de kinés ou chirurgiens dentistes seuls et les cabinets de radiologues seuls). Ces cabinets, qui réunissent en moyenne sept professionnels, sont situés plutôt dans des zones de forte densité démographique et ils contribuent directement à l’offre de soins de proximité.
Parc vieillissant.
Sur la base de 222 premiers questionnaires dépouillés, il apparaît que des faiblesses structurelles menacent la pérennité de ces cabinets de groupe, ce qui inquiète les élus de l’URPS tout comme l’Agence régionale de santé (lire ci-dessous notre entretien avec Claude Evin).
Premier enseignement : le vieillissement de ces structures et la difficulté d’y renouveler les équipes. Près de 80 % des cabinets de groupe ont été créés avant 2000 (pics dans les années 80), le plus souvent sous forme de société civile de moyens. Cette situation explique la pyramide des âges préoccupante dans ces cabinets : 27 % des généralistes y ont plus de 60 ans et c’est le cas d’un tiers des autres spécialistes et chirurgiens - la moitié des pédiatres, 43 % des gynécologues, 42 % des ORL...
Or, analyse l’enquête, lorsqu’un cabinet de groupe « perd » un soignant qui prend sa retraite sans remplaçant, c’est la structure qui se trouve déséquilibrée, voire menacée de disparition avec d’autres départs à la chaîne. « Dès qu’il y a un départ non remplacé, c’est un moment critique pour les autres professionnels qui s’épuisent. La question cruciale du renouvellement est posée », juge le Dr Bruno Silberman, président CSMF de l’URPS médecins d’Ile-de-France, pour qui « il n’y a pas de conflit de génération » mais une peur des jeunes de s’installer en libéral et d’assumer trop de charges.
Des missions, peu de moyens.
Outre cette démographie médicale déclinante, l’autre défi majeur est celui du manque de moyens humains et financiers pour « faire tourner » ces 1 200 cabinets. Certes, les trois quarts des structures de groupe déclarent avoir du personnel administratif (essentiellement pour le secrétariat et l’entretien). Mais pour la moitié des gérants, ces salariés ne sont pas en nombre suffisant. Il manque des effectifs pour l’accueil des patients (50%), assumer les tâches administratives (46%) et dans une moindre mesure pour assister les malades dans leurs démarches. « On demande aux structures d’exercice collectif en ville de tout faire, de la prévention, des soins, de l’éducation thérapeutique et de l’accompagnement social !Toutes les missions convergent mais sans les moyens », résume le Dr Silberman.Pour assurer une continuité des soins de 8H à 20H, un secrétariat unique ne suffit pas, ajoute Gilles Poutout, chargé de mission sur les cabinets de groupe à l’URPS.
De fait, trois quarts des gérants sont convaincus que leur groupe est fragilisé à court terme, le plus souvent dans les trois ans. Sans surprise, la cause principale concerne le non-renouvellement des départs, devant l’augmentation des charges de structure. Signe de cette vulnérabilité ? La moitié des cabinets sondés ne répondent pas aux normes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Et parmi ceux-ci, les trois quarts n’ont pas prévu de se mettre en conformité (la loi fixe l’échéance de 2015...).
Conséquence de ces difficultés, deux tiers des cabinets de groupe franciliens souhaitent bénéficier d’un accompagnement (un sur deux réclame que l’URPS facilite la mise en relation avec d’autres professionnels pour assurer le recrutement). À noter que 20% des cabinets de groupe ont un projet d’exercice collectif pluridisciplinaire identifié (permettant à ces structures d’être éligibles à certains fonds ou incitations par le biais des ARS).
Le forfait « structure », clé des futures négos ?
Pour l’URPS médecins, il faut initier un traitement approprié pour les cabinets de groupe. Avec cinq priorités : remplacement, gestion/fonctionnement, systèmes d’information, mise aux normes et projet de santé collectif. L’URPS a décidé de fédérer ces structures d’exercice collectif, non pas sous la forme d’un syndicat, mais via la création, samedi 29 juin, du « club des mille ». Un groupe pilote doit faire émerger des propositions concrètes, notamment méthodologiques.
L’URPS lance un signal d’alarme au gouvernement et à l’assurance-maladie : il est urgent de consolider ces cabinets de groupe par des aides directes au fonctionnement. « Le coût de la structure sera le sujet des prochaines négociations, c’est aujourd’hui le volet manquant dans le financement, en plus des actes ou des nouveaux modes de rémunération », annonce le Dr Silberman. Il évalue ce coût de structure à « deux euros par passage de patient ». L’URPS juge, sur ces bases, qu’il faudrait une aide annuelle d’environ 60 millions d’euros pour conforter les cabinets de groupe en Ile-de-France.
Future négociation conventionnelle ? Appel aux ARS ? L’URPS francilienne reste prudente mais son offensive ne laisse pas indifférent. D’autres régions ont initié un recensement des cabinets de groupe. « Les jeunes n’ont plus envie de travailler seuls, constate le Dr Silberman. Le problème, c’est que nos tutelles, comme la DGOS, ont en tête un modèle unique de maison de santé prédéfini qui, sur le terrain, pose d’énormes difficultés… Si on arrive à créer 10 maisons en Ile-de-France qui fonctionnent, ce sera déjà beau ! Avant de faire du nouveau, il serait intelligent de conforter l’existant ». Pour Alexandre Grenier, directeur de l’URPS, « il faut lancer un plan ambulatoire, comme il y a eu un plan hôpital ».
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