La réaction du ministère de la Santé n’a pas tardé. Alors que le feu couve en médecine libérale autour du projet contesté de « taxe » pour les praticiens des zones surdotées qui refusent de s’engager à consulter ponctuellement en zone sous-dotée (Quotidien du 26 janvier), Roselyne Bachelot a pris les choses en main en décidant de rencontrer directement cette semaine les syndicats médicaux représentatifs. La direction de la CSMF, extrêmement remontée, a été reçue dès lundi au ministère, le SML sera consulté ce soir avant la FMF et MG-France demain « sans qu’il faille y voir un ordre de préséance », précise un conseiller de la ministre.
En pleine crise conventionnelle et à deux semaines du début de l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST), cette « opération déminage » poursuit un objectif principal : clarifier les intentions du gouvernement sur l’accès aux soins, et en particulier sur la démographie médicale, et « dissiper les malentendus », précise-t-on dans l’entourage de Roselyne Bachelot. « Elle réaffirmera que sa politique s’inscrit dans le respect des principes du libéralisme et de la liberté d’installation, argumente-t-on. Mais elle veut aussi rappeler l’obligation commune de trouver des solutions rapides ». Il s’agit surtout de convaincre la profession qu’un accord « équilibré » reste possible sur la démographie, c’est-à-dire qui soit acceptable par le corps médical et susceptible de répondre aux attentes immédiates des usagers, des élus locaux et de certains députés prêts à durcir le ton lors du débat parlementaire. « Notre action marche sur deux jambes, décrypte-t-on au ministère de la Santé . D’un côté, il y a toute la palette des incitations issues des États généraux, la promotion des maisons de santé, des pôles de santé libéraux… De l’autre, la nécessité de mettre en place ce contrat "santé solidarité" permettant de venir en aide aux médecins dans les déserts médicaux avec des désincitations pour ceux qui ne veulent pas s’engager ».
Pas trois ans à perdre.
Faut-il passer forcément par une taxe « anti-déserts » ? Au ministère, on affirme aujourd’hui ne pas « s’arc-bouter sur telle ou telle mesure » et laisser le champ libre à la négociation. Sous réserve que les propositions soient à la hauteur des enjeux. Ce qui ne serait pas le cas. « On ne peut pas se contenter d’attendre trois ans pour vérifier si les incitations fonctionnent ». Allusion à une proposition de la CSMF qui ne convainc pas. Le gouvernement exige un « engagement » collectif des médecins dans la lutte rapide contre la désertification, même s’il semble (encore) ouvert sur les modalités.
La voie paraît étroite. Et les syndicats sont plus que jamais sur leurs gardes. « Aujourd’hui, il y a une forme d’affolement du pouvoir, analyse le Dr Michel Combier, chef de file des généralistes de la CSMF . L’hôpital craque, nous aussi. Toute la copie doit être revue, mais il aurait fallu renouer le dialogue plus tôt… ». Au SML, le Dr Christian Jeambrun annonce la couleur. « Si le gouvernement retient les incitations que proposent les syndicats, on pourra en sortir par le haut. Mais moi je ne signerai jamais un accord qui troque le C à 23 euros contre une taxe en zone surdotée ».
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