Le phénomène est souligné et combattu depuis des années par les syndicats de médecins libéraux mais il continue inéluctablement de progresser.
Aujourd'hui, près du quart – 22 % exactement – des dépenses comptabilisées dans l'enveloppe des soins de ville en 2015 (au sein de l'ONDAM) ont été en réalité prescrites à l'hôpital, selon les chiffres présentés par le gouvernement lors de la commission des comptes de la Sécurité sociale.
Au total, ces fameuses prescriptions hospitalières exécutées en ville (dites PHEV) ont représenté 18,1 milliards d'euros en 2015 (tous régimes confondus et France entière), soit un milliard d'euros de plus que l'année précédente et près de cinq milliards supplémentaires par rapport à 2010 ! Les médicaments constituent à eux seuls la moitié de cette enveloppe. Quatre autres gros postes concentrent les dépenses de PHEV : les transports sanitaires (15 %), les dispositifs médicaux inscrits sur la liste des produits et prestations (11%), les honoraires paramédicaux et les indemnités journalières (9 % chacun).
Selon les statistiques de la commission des comptes, certaines dépenses de soins de ville sont très majoritairement prescrites à l'hôpital. C'est le cas pour 81 % des médicaments rétrocédés (ceux qui sont vendus par les pharmacies des établissements à des patients en ambulatoire), mais aussi de 62 % des dépenses de transports.
Parmi les classes de médicaments présentant les dépenses les plus importantes (prescrites à l'hôpital mais comptabilisées en ville et hors rétrocession), on retrouve sur le podium les immunosuppresseurs, les antiviraux à usage systémique et les antinéoplasiques.
PHEV à vitesse grand V
Problème : à l'heure où le secteur de la santé est soumis à une forte régulation économique, le coût des prescriptions hospitalières exécutées en ville augmente au rythme soutenu de 6 % par an depuis 2010 (voir graphique) et sa progression est nettement plus dynamique que celle de l'ensemble des soins de ville (+1,6 % par an). « Plus de la moitié de la croissance des dépenses totales de l'enveloppe des soins de ville sur la période 2010/2015 résulte de la progression des dépenses des PHEV », confirment les ministères des Finances et de la Santé.
Depuis quelques années, le gouvernement a bien engagé des actions de maîtrise des dépenses de ville prescrites à l'hôpital mais les résultats ont été limités. Des contrats d'amélioration de la qualité et de l'organisation des soins (CAQOS) ont ainsi été signés par les établissements – prévoyant un intéressement en cas d'atteinte des objectifs ou un reversement à la charge de l'hôpital dans le cas contraire. Mais seulement neuf hôpitaux sur les 48 qui avaient signé un CAQOS portant sur les médicaments et produits de santé ont atteint leurs objectifs. Et sur les CAQOS « transports », moins du tiers des hôpitaux ont tenu leurs objectifs.
Le grand flou
Faut-il y voir un signe ? Dans son dernier rapport sur la Sécu, la Cour des comptes a appelé à mieux responsabiliser le corps médical pour maîtriser les prescriptions hospitalières. « L'identification individuelle des prescripteurs hospitaliers est peu répandue », déplorent les magistrats de la rue Cambon. Pourtant, l'utilisation du numéro d'inscription au RPPS (répertoire partagé des professionnels de santé) est obligatoire. Mais selon une étude de la CNAM menée en 2015 sur 11,6 millions de décomptes de dépenses portant sur des prescriptions à l'hôpital, seuls 5,3 % des ordonnances de médicaments comportaient ce numéro RPPS (2,4 % pour les arrêts de travail et 0,3 % pour les transports).
Sur ces bases, la Cour réclame des référentiels de bonnes pratiques adaptés à l'exercice hospitalier. Et elle recommande de mettre en œuvre un dispositif de minoration tarifaire se déclenchant automatiquement en cas de non-respect des objectifs contractuels de maîtrise de prescription.
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