« Notre urgence, c’est l’offre de soins, avec de nombreux habitants du territoire sans accès à un médecin traitant. Les contrats locaux de santé ont vocation à corriger au maximum ces carences », a cadré le Dr Luc Ginot, directeur de santé publique de l'ARS Île-de-France, lors d'une journée régionale consacrée aux contrats locaux de santé franciliens (CLS).
Souvent méconnus, ces contrats locaux de santé – signés entre des collectivités territoriales, l'agence régionale de santé (ARS), la préfecture et d'autres partenaires – visent à réduire les inégalités sociales et territoriales de santé et proposer des parcours adaptés à l’échelon local. Ils portent notamment sur la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l'accompagnement médico-social.
En cours de renouvellement, les contrats locaux de santé sont logiquement appelés à s'articuler avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) émergentes, ces « pools » de libéraux censés structurer progressivement les soins de ville d'ici à 2022 et assumer plusieurs missions clés comme l'accès au médecin traitant ou la prise en charge des soins non programmés. Mais comment faire en sorte que les CLS, portés par une collectivité, et les CPTS libérales travaillent main dans la main ? Deux villes de la région parisienne semblent être sur la bonne voie.
Maintien à domicile ou violences faites aux femmes : réflexion commune
C'est le cas de Pantin, en Seine-Saint-Denis. « Quand je me suis installé il y a cinq ans dans cette ville, 30 % de la population était sans médecin traitant et les acteurs ne communiquaient pas entre eux », raconte le Dr Yohan Saynac, médecin généraliste et président de la CPTS de Pantin. Avec le soutien d'autres professionnels, le généraliste a d'abord élaboré un projet de CPTS dès février 2018 puis contractualisé avec l'ARS en 2019. Les actions convergentes entre le contrat local de santé de la ville et la CPTS sont le fruit de groupes de travail en commun pour établir un diagnostic puis rédiger des priorités d'action (fiches) sur la coordination des soins, les violences faites aux femmes, le maintien à domicile ou la prise en charge des patients en perte d'autonomie.
Pour conforter ce partenariat, « le président de la CPTS fait partie du comité de pilotage du contrat local de santé. Et la CPTS est aussi signataire du CLS », souligne le Dr Didier Duhot, médecin directeur des centres municipaux de santé de Pantin. « Cela ne fonctionne que s'il y a une logique de partenariat et non de contrainte », abonde le Dr Saynac.
Gouvernance partagée
Même volonté de synergie à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), où le partenariat entre les médecins libéraux et la municipalité remonte à 2016. « À cette date, nous avons commencé à travailler sur l'évolution de l'offre de soins de la ville », explique Cathy Even, responsable du pôle santé publique de la ville. De fait, dans cette commune proche de Paris, seuls 42 généralistes libéraux et 13 médecins salariés prennent en charge près de 77 000 habitants. La moitié des généralistes de la ville ont plus de 55 ans et partiront à la retraite dans quelques années.
Dans cette situation d'extrême urgence, le contrat local de santé de Champigny-sur-Marne, signé en 2018, a intégré la création d'une CPTS – médecine de ville et offre salariée devant unir leurs forces. « Nous avons travaillé sur un état des lieux exhaustif de l'offre de soins afin de définir les perspectives de travail entre les centres municipaux de santé et les libéraux », résume Cathy Even.
Le projet de CPTS prévoit même une gouvernance partagée et pluriprofessionnelle, ainsi que l'inclusion des axes stratégiques du contrat local de santé (attractivité territoriale, coopération dans les parcours de soins, prévention). « Et le conseil d'administration de la CPTS est invité permanent dans le comité de suivi du CLS », explique le Dr Jean-Noël Lépront, président de l'association des médecins généralistes de Champigny-sur-Marne.
Tous les acteurs sont formels. Dans la réorganisation territoriale qui s'opère pour combattre la désertification médicale, CLS et CPTS devront rester des outils souples et agiles, qui procèdent des initiatives du terrain. L'objectif n'est surtout pas de monter « des usines à gaz » mais de s'assurer que les actions des uns et des autres sont « en phase ». Avec un défi commun : dépasser la patientèle de chaque professionnel de santé pour assumer une responsabilité populationnelle.
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