LE QUOTIDIEN : Un tiers des salariés des EHPAD était en grève le 30 janvier. Les personnels se mobilisent à nouveau jeudi. Comprenez-vous les raisons de leur colère ?
MONIQUE IBORRA : Je les comprends d'autant plus que j'en ai été le témoin. Dans le cadre de ma mission flash sur les EHPAD rendue publique en septembre, j'ai auditionné des directeurs de structure, des médecins et des agents. La crispation du secteur est importante car unanime !
Pendant des années, on a fait du bricolage sur la prise en charge des patients à domicile ou en maisons de retraite. On a imposé aux EHPAD un modèle administratif très hospitalier, technocratique, tout en expliquant aux directeurs qu'ils étaient en charge d'un lieu de vie et non de soins. Imaginez leur degré d'incompréhension et celui des soignants !
La parution fin décembre 2016 des décrets d’application de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, qui entérinent une réforme tarifaire en vigueur seulement quelques jours plus tard, a été la goutte d'eau de trop.
Agnès Buzyn a ajouté 50 millions d'euros au pot pour éviter que la réforme tarifaire ne pénalise les EHPAD. Est-ce suffisant ?
Absolument pas ! La réforme fait des perdants dans le secteur public et des gagnants dans le secteur privé commercial, c'est un fait. Mais il est temps d'envisager le problème d'une manière plus globale que sous l'angle financier. Il faut revoir intégralement la copie des EHPAD. Il faut mieux prendre en compte le besoin des établissements en soignants et en médecins.
Un tiers des établissements sont dépourvus de médecins coordonnateurs. Comment en est-on arrivé là ?
Il y a un problème de cohérence entre le modèle médical dans les EHPAD et la demande réelle en soins. En 2005, on s'est dit que la présence ponctuelle du médecin généraliste libéral, qui est aussi le prescripteur, serait suffisante. C'est une erreur. Non seulement la démographie de la médecine générale est en souffrance mais en plus les praticiens en exercice interviennent souvent en EHPAD dans de mauvaises conditions, le soir, en fin de consultations. Le suivi médical des résidents s'en ressent. Ce n'est la faute de personne mais c'est la réalité.
Ensuite, en maison de retraite, le médecin coordonnateur est sous l'autorité du responsable de l'établissement, son autonomie est très réduite. Il possède une fonction administrative et ne prescrit qu'en cas d'urgence. Ce n'est pas très attirant ! Je rappelle par ailleurs que la gériatrie est une spécialité médicale toute jeune. Là encore, cela pose problème en termes de recrutement.
Que faire pour ramener les médecins dans les EHPAD ?
Il faut ouvrir le droit de prescription aux médecins coordonnateurs et augmenter leur temps de présence obligatoire dans les établissements, qui est aujourd'hui ridicule. Le problème de recrutement ne s'arrête pas aux médecins. C'est l'ensemble du personnel soignant qui est en souffrance. C'est la raison pour laquelle je recommande la création de normes minimales de personnels par résident, notamment pour les aides soignantes et les infirmières.
Les EHPAD doivent prévoir dans leur budget la présence d’un infirmier diplômé la nuit, en astreinte ou en poste. Dix millions d'euros ont été débloqués en ce sens. Aujourd'hui, un EHPAD peut tourner la nuit avec deux aides-soignantes uniquement... Si un décès intervient, il faut attendre le matin pour le prononcer. C'est inadmissible.
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