LE QUOTIDIEN : La CSMF avait remporté les élections en 2015 avec un quart des voix tous collèges. Quel est votre objectif ?
Dr JEAN-PAUL ORTIZ : Que la CSMF reste le premier syndicat médical libéral en France. Le morcellement nous affaiblit et tous les gouvernements s’en réjouissent. Nous devons nous rassembler au sein d’un syndicat qui représente tous les médecins. Entre un spécialiste de médecine générale et un confrère d’une autre spécialité, il y a énormément de points communs. Évidemment, si on prend un généraliste isolé en milieu rural versus un radiologue dans un groupe de 30 praticiens avec du matériel lourd, on trouvera des différences d’exercice. Mais ce qui nous réunit est plus important. Je défends le métier de médecin libéral, son rôle et sa reconnaissance dans la société.
Je me donne un deuxième objectif, personnel : dès les élections passées, j’œuvrerai pour fédérer dans une seule structure – qui ne sera pas la CSMF – la représentation professionnelle.
N’avez-vous pas beaucoup à perdre en tant que leader ?
Il est forcément plus compliqué de rester le premier, surtout avec cet éclatement professionnel. La CSMF est l’objet de toutes les attaques, on l’affuble de tous les maux. C’est pourquoi je fais une campagne tournée vers l’avenir et l’innovation.
L’UFML et la coalition Avenir Spé-Le BLOC ne vont-ils pas rebattre les cartes du syndicalisme médical ?
Je le redis : cette division est mortifère. Je regrette les postures et querelles d’egos. Avec les syndicats monocatégoriels, nous avons toutefois une vraie divergence. Je considère que le socle du métier est commun et mérite d’être défendu ensemble. S’isoler d’un côté – MG France uniquement chez les généralistes, Avenir Spé/Le BLOC exclusivement chez les spécialistes – c’est aller contre le cours de l’histoire puisque nous sommes tous des spécialistes. On travaille en coordination ! La logique de hiérarchie médicale, qui a existé dans le passé, avec parfois du mépris des spécialistes vis-à-vis des généralistes, est révolue.
Quant à l’UFML, il y a toujours eu un courant d’opposants permanents, des "y’a qu’à", "faut qu’on". Je suis quand même amusé : ce courant contestataire et populiste, c’était historiquement la FMF qui l’incarnait, avant de devenir un partenaire ayant même signé la convention de 2016 de Marisol Touraine, que nous avions refusée ! Aujourd’hui, c’est l’UFML de Jérôme Marty – qui a été d’ailleurs à la FMF – qui joue cette carte. Je regrette une forme de poujadisme médical.
Quels sont les axes forts du programme de la CSMF ?
D’abord la simplification de la nomenclature avec quatre niveaux de consultation. Point barre ! Les médecins sont pénalisés par la dérive bureaucratique. Quant au tarif de base, on ne peut pas décemment penser qu’aller voir un médecin en France puisse valoir moins de 30 euros. Mais je ne ferai pas la course à l’échalote. Ensuite, la coordination, qui suppose des outils et des moyens accrus. Troisième axe : l’innovation car l’exercice se transforme à grande vitesse. Enfin, la CSMF, contrairement à d’autres, met en avant la santé environnementale.
Sur les honoraires, notre position est claire : le paiement à l’acte devra rester très largement majoritaire ; quand j’entends certains accepter 20 % ou 30 % de forfaits, je dis que c’est beaucoup trop ! Au passage, la ROSP devra être revisitée et non pas supprimée : elle a pris sa place dans le chiffre d’affaires mais c’est un levier trop rustique. Elle doit valoriser la pertinence des soins pour toutes les spécialités sur quelques thèmes ciblés.
Chez les spécialistes, des voix réclament l’accès direct. Qu’en pensez-vous ?
Ne remettons pas en cause le rôle de premier recours du médecin traitant qui centralise la prise en charge et assure le synthèse. Mais nous ne sommes pas non plus dans un système anglo-saxon de généraliste gate-keeper qui délivre des bons pour le cardiologue. Chaque spécialiste doit ramener son patient dans le parcours de soins, adresser par courrier les éléments au médecin traitant et permettre d’assurer un suivi conjoint. Le parcours de soins tel qu’on l’a conçu en France valorise le généraliste, qui n’est pas réduit à un distributeur de tickets, mais valorise aussi l’expertise du spécialiste.
La CSMF a-t-elle fait définitivement son aggiornamento sur l’exercice regroupé ?
Je ne condamne pas l’exercice isolé mais cela ne veut pas dire travailler seul dans son coin. Cela n’existe plus d’ailleurs. L’exercice sera regroupé et coordonné, mais pas forcément sous le même toit dans une maison de santé. La coordination peut passer par des outils partagés, un pôle virtuel, une permanence des soins réorganisée, une coopération sur des thèmes de santé publique, etc. Pas de schéma unique !
Vous avancez le concept de « cabinet 2030 ». N’est-ce pas éloigné des préoccupations immédiates des médecins ?
Peut-être, mais quel est le rôle d’un syndicat ? Est-ce de promettre la lune avant de se battre pour arracher un ou deux euros sur la consultation ? Je préfère donner une perspective au métier. Le cabinet 2030, c’est s’organiser pour soigner mieux, soigner plus et améliorer notre qualité de vie. J’y mets de l’innovation organisationnelle, des assistants médicaux, un secrétariat, des infirmières, des IPA. Cela déchargera les médecins de cette dérive paperassière. Le regroupement permettra de mieux gérer les congés, les horaires. Autre enjeu : la révolution numérique en santé, des objets connectés et de l’IA. Elle est là ! Si on ne s’en saisit pas, ce sera une catastrophe. Je préfère que les médecins deviennent de véritables entrepreneurs libéraux, plutôt que de laisser d’autres gérer nos affaires comme l’hôpital, les cliniques, les mutuelles et demain les fonds financiers.
Pourquoi voter pour la CSMF ?
Pour deux raisons : elle a vocation à rassembler et défendre tous les médecins, quelle que soit leur spécialité. Et nous donnons une vision du métier autour de l’innovation. Si on ne bouge pas, nos conditions d’exercice seront plus difficiles : la profession perdra en liberté et en indépendance. Je dis aux médecins : prenez votre avenir en main en devenant des entrepreneurs libéraux !
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