En libéral, les chasseurs de médecins à la peine

Par
Publié le 09/03/2017
Article réservé aux abonnés

Les agences de recrutement de médecins libéraux ne font plus la pluie et le beau temps en zones rurales.

Durant des années, à la demande de maires désemparés, elles ont placé des généralistes libéraux, le plus souvent issus d'Europe de l'Est, dans des communes désertées par leur praticien. Mais trop souvent, la greffe ne prenait pas, et le médecin quittait la commune pour une autre, ou pour son pays natal. Ces agences semblent aujourd'hui en payer les conséquences.

Dans le département de la Creuse, cinq praticiens étrangers ont été installés en zone rurale par ces cabinets depuis fin 2009. Mais trois d'entre eux sont repartis au bout de quelques mois. Dans le Loiret, pendant l'été 2016, un praticien espagnol, arrivé plusieurs semaines plus tôt, a quitté la petite ville où il exerçait, sans prévenir personne. A Josselin, dans le Morbihan, une généraliste roumaine, installée par une agence à la mi-février 2016, a quitté son poste quelques mois après. Idem à Plénée-Jugon (Côtes d'Armor), qui a recruté et rapidement vu partir deux généralistes roumains.

Parfois aussi, c'est l'Ordre qui bloque l'implantation. Certaines agences ont été peu regardantes sur la compétence des praticiens recrutés. En 2015, l'Ordre a suspendu pour 18 mois un médecin étranger installé en Bretagne, constatant d'« énormes lacunes » dans sa formation. Durant les 6 premiers mois de 2015, l'institution avait suspendu en tout une centaine de candidats, sans qu'il soit possible de savoir s'il s'agissait de praticiens étrangers ou non.

Fin de l'âge d'or

A entendre ces agences, leur âge d'or est derrière elles. Chez Médicis consult, on est catégorique : « nous avons renoncé depuis trois ans à installer en libéral des médecins étrangers, ça ne marche pas, ou alors c'est une usine à gaz. » L'entreprise se focalise désormais sur le placement de médecins en établissements ou en EHPAD.

Conscientes de la détérioration de leur image, certaines agences proposent des garanties. Chez MC Médical, on promet aux maires de trouver un autre médecin si le premier s'en va avant un délai de 15 mois. « Il est beaucoup plus dur aujourd'hui de recruter pour les mairies que pour les établissements », explique une responsable, Mihaela Ciobanescu. Mais impossible de savoir combien de médecins elle installe chaque année. « Entre 1 et 50 », élude-t-elle prudemment, confiant cependant se faire rémunérer entre 7 000 et 10 000 euros par médecin recruté.

Chez Activa Conseil médical, Josette Marie Le Pimpec-Lessard assure elle aussi ne plus beaucoup travailler pour les mairies. « Elles n'ont plus d'argent, argumente la dirigeante, et les praticiens des environs nous mettent des bâtons dans les roues. » Elle juge aussi que certains cabinets, qui faisaient payer à la fois la mairie et le praticien, ont « discrédité » l'activité. « Dans de secteur, il y a des amateurs qui n'y connaissent rien ». Sur la rémunération, la responsable est plus prolixe, et estime qu'il est impossible de faire du bon travail au prix que demande une partie de la concurrence. « À 7 000 euros, affirme-t-elle, il ne s'agit pas de recruteurs, mais d'amateurs. Nous demandons au moins le double, voire plus. »

D'autres agences tentent de trouver des relais de croissance. À l'ARIME (Association pour la recherche et l'installation de médecins européens), Sophie Leroy regrette elle aussi que « le marché de l'installation libérale se raréfie ». Les mairies n'ont plus d'argent à y consacrer, ajoute-t-elle, si bien que certains pharmaciens la contacteraient pour financer à la place du maire la recherche du praticien qui fait défaut. Autre piste pour l'ARIME, la grande distribution qui finance de plus en plus souvent sur ses sites l'installation de cabinets médicaux clé en main. Sophie Leroy travaille régulièrement avec ces enseignes pour leur fournir des praticiens.

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du médecin: 9562