DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
SUR LES MURS d’une salle d’attente de la Clinique de la Providence à Poitiers, une affichette de l’union régionale des médecins libéraux (URML) de Poitou-Charentes encourage la vaccination. « Ca pique un peu mais ça protège énormément ». Les médecins de la région auraient sans doute besoin d’une piqûre de rappel, eux aussi. Les élections aux unions régionales des professionnels de santé (URPS) se déroulent jusqu’à ce soir mais bien peu de praticiens s’en soucient. Ils reçoivent chaque jour de nombreux mails des syndicats qui ont eu cette année peu de temps pour mener campagne depuis la publication en juin des décrets d’organisation du scrutin. Les réunions électorales ont été rares.
« Ces élections, on en parle dans les couloirs, au bloc en attendant les malades, confie le Dr Michel Kassab, chirurgien vasculaire et candidat du BLOC. C’est comme ça que j’ai découvert qu’un confrère était sur une liste concurrente. » La clinique de la Providence ne compte pas moins de 12 candidats sur les 4 listes engagées pour l’élection dans le 2e collège réservé aux anesthésistes, obstétriciens et chirurgiens (AOC).
Le vote se joue dans une complète indifférence. L’enjeu est pourtant majeur. « Ces URPS seront une possibilité d’être représentés au niveau régional et de discuter avec les pouvoirs publics, avance le Dr Kassab. Il est important que les spécialités chirurgicales, qui ont des préoccupations propres, soient représentées autrement que par les centrales polycatégorielles. » Dans un bureau voisin de la clinique, le Dr Patrick Duclos, ORL, raconte qu’il a dû, comme beaucoup de ces rivaux, passer de nombreux coups de fils et essuyer beaucoup de refus avant de parvenir à boucler la liste FMF. Le chirurgien raconte la difficulté de sensibiliser les médecins aux enjeux du scrutin. « Les URPS, les médecins ne savent pas ce que c’est, affirme le Dr Duclos. Ces élections vont avant tout guider la représentation nationale pour les futures négociations conventionnelles. » Quant au rôle que pourraient avoir les URPS, il reste selon lui à définir. « Tout va dépendre du pouvoir politique et financier des ARS avec lesquelles les URPS vont contractualiser », commente le Dr Duclos.
Des médecins peu informés.
La question est aussi de savoir si les médecins s’investiront au niveau régional. « Il est important que nous nous impliquions dans les URPS pour peser face aux ARS, clame le Dr Christian Peyret, chirurgien urologique et candidat du SML. Du pourcentage de votants aux élections dépendra la crédibilité des élus et des institutions. » Le scrutin promet d’être serré entre les 4 listes en présence dans le collège AOC (CSMF, FMF, SML et le BLOC).
Le président sortant de l’URML de Poitou-Charentes, le Dr Philippe Boutin, par ailleurs président (CSMF) de la Conférence nationale des présidents d’URML, espère que la Confédération saura tirer son épingle du jeu. « Nous serons majoritaires dans le collège spécialiste, je vise un équilibre avec le BLOC dans le collège AOC et je veux être devant MG-France chez les généralistes », clame le Dr Boutin. Le généraliste poitevin mise sur l’expertise de son syndicat. « Face à l’étatisation du système de santé, autant choisir des gens de confiance avec une vraie coordination nationale pour faire contrepoids. Les médecins doivent voter utile ». Dans le cabinet de groupe qu’elle a monté avec deux confrères à Neuville-du-Poitou, le Dr Valérie Victor Chaplet, fait part de son enthousiasme à représenter le syndicat MG-France. Après plusieurs années d’engagement dans l’enseignement et la formation continue, la généraliste a franchi le pas du syndicalisme actif. « Les médecins sont en vraie galère, et ça me paraît important d’être à leur écoute et d’essayer d’améliorer leur qualité de vie », confie-t-elle. Difficile pourtant de rentrer au contact des confrères. « On leur envoie des mails, glisse-t-elle. On voulait appeler les gens mais ce n’est pas évident. Les médecins sont peu syndiqués, peu informés et isolés. Ils sont très occupés et ne font pas toujours l’effort d’aller chercher l’info. »
La peur des ARS.
Le scrutin ne passionne pas les foules, loin s’en faut. Illustration dans une maison de santé à Ruelle, en Charente. Le Dr Philippe Rucheton, médecin généraliste, reconnaît avoir parcouru les professions de foi des syndicats mais, comme en 2006, il ne votera pas. « Ca me fait rire, dit-il, les syndicats se tapent les uns sur les autres mais ils demandent pratiquement tous la même chose. Ces discours ne me parlent plus ». Sa jeune consœur, Célia Bornert-Estrade, chef de clinique en médecine générale, n’a pas l’intention de voter non plus. « J’ai beaucoup de projets en ce moment et ces élections, je ne suis pas penchée dessus », explique-t-elle. Les médecins syndiqués sont davantage sensibilisés aux enjeux du scrutin. Le Dr Viviane Souchaud-Ménard, a décidé de poster son bulletin de vote pour le syndicat auquel elle adhère. « Ces élections, j’en attends une reconnaissance de la médecine générale, explique-t-elle. Je redoute l’étatisation de la médecine avec les agences régionales de santé ».
Tous les praticiens n’ont pas les mêmes préoccupations. Le Dr P., ophtalmologue à La Rochelle ne pense pas voter. « Je ne tarderai pas à arrêter mon activité », confie-t-elle. Quand on lui demande ce que les URPS pourraient faire pour les médecins libéraux, elle s’emporte. « Vous, vous êtes bien assis dans votre bureau, moi, il faut que j’aille m’occuper de mes patients. »
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique