Pour attaquer la deuxième phase des négociations, la CNAM a sorti le grand jeu. L'assurance-maladie a proposé d'inscrire dans la prochaine convention une aide de 50 000 euros pour tout médecin – jeune ou moins jeune – qui s’engagerait à s’installer pendant trois ans dans une zone fragile. Cette aide serait versée en deux temps – 25 000 euros à l’installation, 25 000 euros l’année suivante – au praticien qui prendrait ses fonctions en cabinet de groupe ou appartiendrait à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPST).
Autre proposition : un « contrat de transition » pour accompagner cette fois les médecins sexagénaires qui préparent leur succession dans un secteur fragile. Tout praticien de plus de 60 ans bénéficierait pendant trois ans d’une majoration de 10 % de ses honoraires (plafonnée à 20 000 euros annuels) s’il accueille un médecin associé nouvel installé âgé de moins de 50 ans.
Enfin, le contrat santé solidarité, qui encourage l'activité secondaire par un bonus financier, serait assoupli en permettant aux médecins d'y adhérer s'ils réalisent seulement14 vacations dans un territoire déficitaire au lieu de 28 actuellement.
« Nous espérons que ces aides concerneront davantage de médecins que dans la dernière convention, précise au "Quotidien" Nicolas Revel, DG de la CNAM. L’objectif est d’augmenter le nombre d’installations de médecins dans les zones ou la pénurie est la plus forte ». Difficile de faire pire : sur 485 médecins signataires de l’actuelle option démographie en 2013 ou 2014, seulement 190 étaient de nouveaux installés, l’aide à l’activité ayant bénéficié prioritairement aux praticiens déjà en activité dans la zone.
Fort et lisible
La nouvelle aide forfaitaire de la Sécu semble, cette fois, substantielle. Avec l'ex dispositif, « un jeune installé percevait environ 11 000 euros par an sur trois ans, affirme le directeur de la CNAM. Nous proposons quelque chose de plus fort, plus lisible et incitatif en mettant sur la table 50 000 euros dont il peut disposer pour moitié tout de suite. » L’idée est d'arrêter de rémunérer par un surcroît d’honoraires les médecins déjà installés dans les déserts et de réinjecter cet argent sur les installations et la transition (compagnonnage).
La profession salue (en partie) cette approche. « Cette proposition va dans le bon sens, avec une aide importante au moment de l’installation, quand les médecins en ont besoin, observe le Dr Claude Leicher, président de MG France. Mais il faut que ces aides puissent concerner un maximum de médecins. » Pour l'heure, la CNAM n'a pas précisé son objectif d'installations ni l'enveloppe allouée. « Ces propositions tranchent avec les demi-mesures proposées jusqu’à présent, elles peuvent motiver les jeunes », analyse aussi le Dr Bertrand de Rochambeau, co-président du BLOC.
Plus réservé, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, juge que l'aide forfaitaire quoique « très incitative » est « en grande partie du recyclage ». Il réclame surtout que les aides aujourd'hui allouées aux quelque 2 000 médecins qui exercent en zone sous dense ne soient pas brutalement supprimées (15 000 euros par an en moyenne). La branche généraliste de la CSMF (UNOF) prévient même qu'elle s’opposera à tout texte qui ne maintiendrait pas une incitation pour l’ensemble des médecins généralistes installés dans les zones fragiles.
Quant au Dr Éric Henry, président du SML, il fait valoir que ces nouveaux forfaits à l'installation n'auront d'impact que si les ARS « élargissent les zones sous-denses ».
La relève attentive
La jeune génération juge également « intéressante » la somme annoncée mais reste vigilante. « Il faudra voir concrètement comment se met en place cette aide et si les conditions ne sont pas trop contraignantes », met en garde Sébastien Foucher, président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF). « ll ne faut pas que l'adhésion à une communauté de professionnels soit une condition sine qua non à l'obtention de l'aide », ajoute Jacques-Olivier Dauberton, président du Regroupement autonome des généralistes, jeunes installés et remplaçants (REAGJIR).
Les jeunes souhaitent également que les 50 000 euros de prime à l'installation soient exonérés de charges. Et rappellent enfin que les installations en libéral supposent des avancées sur la protection sociale (prise en charge des IJ dès le 14e jour et congé maternité de trois mois pour toutes les femmes médecins y compris en secteur II).
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