Depuis près d’un quart de siècle, l’acte chirurgical ne se conçoit plus sans le consentement, dit éclairé ou informé, du patient. La chirurgie orthopédique avait été précursrice dans cette démarche. L’information est un soin à part entière et un facteur essentiel de la satisfaction des patients et de la qualité de l’exercice professionnel (fig. 1). Le praticien devra donc maîtriser l’information (ce qu’il faut dire), sa posologie (la qualité et la quantité de l’information), les conditions de sa communication (quand et comment, avec quels supports), ses effets indésirables (incompréhension et défiance) et s’assurer de la réussite du processus (patient sécurisé, actif et confiant).
Le défaut d’information est un défaut de soin, au plan éthique comme médicolégal ; les recommandations légales et déontologiques sont tout à fait claires (loi du 4 mars 2002 sur les droits des patients L. 1141-2 et le code de déontologie ; article 35) [fig. 2, 3, 4]. La maîtrise des nouveaux médias, les données de la neuroscience (fig. 5) et l’évolution humaniste sont garantes non seulement d’une information de santé ajoutée, mais aussi de la satisfaction du patient et d’un bon exercice médical.
Un continuum
Le chirurgien informe le patient et s’assure du contenu et de la traçabilité de l’information. Il doit également s’assurer que tous les acteurs de la chaîne soignante reçoivent et partagent cette information (médecin généraliste, anesthésiste, kinésithérapeute, infirmier, etc.). Le processus est un continuum qui doit être formalisé et s’intégrer au mieux à la prise en charge soignante et à ses aléas de communications (fig. 6).
Dans le cadre d’une procédure chirurgicale, le praticien informe sur la pathologie, le diagnostic, les procédures, les alternatives thérapeutiques, le geste opératoire, etc. Cette information doit être compréhensible et exhaustive. L’application à la lettre de la loi nécessiterait des entretiens de 2 à 3 heures avec chaque patient. Précisons que, lors de la consultation, le patient ne peut pas mémoriser l’information car il est en situation de stress. Le niveau de compréhension est également très faible compte tenu des difficultés de vulgarisation du langage médical. Le praticien doit donc compléter l’information avec d’autres médias dont les contenus ont été validés par les sociétés savantes.
Une information parcellaire (type résumé d’information) a un impact négatif sur la relation patient/praticien, car elle génère spontanément de la défiance. Une fois seul, le patient peut s’interroger sur un point peu clair ou qu’il n’a pas compris. S’il fait des recherches personnelles (internet, les voisins, certains confrères, etc.), ses interrogations deviennent vite de l’inquiétude.
Une information proche de l’exhaustivité, à la condition qu’elle soit réellement assimilée, sécurise donc le patient (« les risques sont identifiés au mieux par mon chirurgien »), augmente sa confiance dans le praticien (qui connaît et anticipe les risques), y compris en cas de survenue de complications (il saura quoi faire) et rend le patient plus actif dans le processus de soins.
Les clés d’une consultation réussie
La consultation orale est le socle du soin et de l’échange interactif avec le patient. Sa qualité et son vécu sont liés à la durée de la consultation (20 minutes minimum) mais aussi au temps d’attente : un patient perd sa quiétude au-delà de 45 minutes d’attente et devient ensuite progressivement agressif (« le praticien porte atteinte à mon intégrité »), ce qui va altérer ses capacités de compréhension et son jugement.
La salle d’attente doit valoriser le praticien, le système de santé (congrès, INPES, HAS, etc.) et la solidarité sociale (compagnie des aidants, associations de patients, etc.).
Dès la première rencontre avec le patient, il faut établir un contact avec les yeux et montrer qu’on n’est là que pour lui. Au début de l’interrogatoire, s’obliger à regarder le patient dans les yeux pour une durée de 2 à 3 secondes afin de faire immédiatement la démonstration d’un intérêt profond et humain pour lui. Ensuite vient la collecte des données utiles à la prise en charge médicale, par un interrogatoire précis et un examen clinique codifié. Pour l’orthopédie, il faut s’obliger à réaliser des mobilisations lentes lors de l’examen clinique, afin de transformer le sentiment potentiel d’agression en un ressenti de soin et de bienveillance.
Il faut ensuite donner une première information au patient, en énonçant les sujets déontologiques et médicolégaux obligés : quel est l’organe concerné et à quoi sert-il ; quelle est son affection ; pourquoi faut-il opérer, quelles sont les alternatives thérapeutiques ; comment se passera l’opération et quels sont les risques et complications ; quelle est la vie après l’opération ? Puis, la consultation se termine par l’échange, d’abord encadré (« vous devez vous demander… ») et, enfin, libre (fig. 7).
Supports complémentaires
Incontournables, les supports complémentaires sont des documents variés. Ils permettent l’application de la loi et transmettent l’information péri-opératoire attendue et obligée : dessins, vidéos, site de la société savante, etc. (fig. 8, 9, 10, 11, 12). Ils contiennent des résumés d’information sur les principales procédures chirurgicales, et doivent être validés par les sociétés savantes et/ou distribuées par des éditeurs indépendants qui travaillent en collaboration avec ces sociétés.
La preuve de la personnalisation de l’information est obtenue par la signature d’une attestation d’information sur la base des documents remis (moins agressif qu’un consentement éclairé), suivie de la deuxième consultation pré-opératoire. Autant d’éléments qui permettent la maîtrise et la démonstration de cette information.
Notons que le chirurgien ne peut réduire son exercice à l’application technicienne du soin mais se doit de préserver son art par la noblesse, la beauté et l’efficacité de son raisonnement comme de son geste, tout autant que par l’expression constante de son exemplarité humaine. L’humain meilleur se construit dans l’échange avec l’autre. L’information du patient qui va être opéré en est l’opportunité la plus extraordinaire, mais aussi la plus obligée et la plus efficace, qui puisse nous être offerte, pour nous comme pour nos sociétés.
Conflit d’intérêt en rapport avec cet article : Le Dr. P. Gleyze est fondateur et gérant de la société d’édition « Persomed Multimédia Santé », société d’édition dédiée à l’information des patients et éditrice de « l’Encyclopédie Multimédia des gestes médicaux et des opérations chirurgicales ». Appel à projet e-santé 2 – investissements d’avenir, fonds de solidarité numérique. Ministère de la santé.
Sites de référence :
- www.conseil-national.medecin.fr
- sofarthro.fr
- ww.shamprevention.fr
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