Dernier clash en date, la consultation des instances de santé autour de la Stratégie nationale de santé, en décembre dernier. Certains organismes , à l’instar de la Conférence nationale de santé (CNS), ont approuvé la copie d’Agnès Buzyn. Mais France Assos Santé, le nom choisi par l’Union nationale des associations agrées du système de santé, « la voix des usagers » qui regroupe, depuis 2016, 80 associations, a écrit à la ministre pour regretter « que sur ce premier grand projet de (son) mandat, le rendez-vous de la démocratie sanitaire soit manqué ». Selon FAS, « l’élaboration de la SNS n’a pas permis une véritable co-construction du système de santé par ses utilisateurs, ses effecteurs et ses régulateurs ». Contrairement aux déclarations de la ministre de la Santé et des Solidarités, qui se dit « très attachée à la démocratie sanitaire ». Encore un rendez-vous manqué.
Moins véhément, mais non moins préoccupé, Christian Saout, qui siège aujourd’hui au collège de la HAS (Haute autorité de santé), constate que « l’ambiance reste chaude entre gouvernement et représentants de patients, les partenaires de la démocratie en santé, qui n’arrivent toujours pas à enclencher une relation partenariale ». L’ex-président de Aides et du CISS (Collectif interassociatif sur la santé), présenté comme « le roc de la démocratie sanitaire » par Libération, demeure la bête noire de beaucoup de médecins. « J’affronte aujourd’hui encore les porteurs d’intérêts sociologiques hostiles à la prise de parole des usagers. Le combat de la démocratie en santé est peut-être moins rude qu’il ne le fut dans les temps héroïques, mais la haine demeure. On l’a affrontée devant l’opinion pour le sida, devant la justice pour les maladies nosocomiales. La démocratie en santé avance au rythme des crises. Et les crises succèdent aux crises. »
Une multitude d’acteurs qui se marchent sur les pieds.
À la présidence de la CNS (Conférence nationale de santé), qui se positionne comme le parlement de la santé – sans avoir été en charge ni de la consultation sur la vaccination, ni sur les états-généraux bioéthiques – Bernardette Devictor tempère : « les droits des patients ont énormément progressé en vingt ans, se félicite-t-elle, mais beaucoup de progrès restent à faire pour arriver à réseauter les instances et les associations qu’on a multipliées, lois après lois. Il y a aujourd’hui une multitude d’initiatives non coordonnées, une pléthore d’acteurs qui se marchent sur les pieds et cela ne profite à personne. »
En février 2016, le secrétaire général de la même CNS, Thomas Dietrich avait démissionné avec perte et fracas. Dans une note assassine de 28 pages, le jeune haut-fonctionnaire dénonçait « une vaste mascarade » et « la malhonnêteté de l’administration vis-à-vis de la démocratie en santé ». Selon lui, le coup de grâce avait été porté par Marisol Touraine quand la ministre avait refusé l’offre de la CNS d’organiser la consultation citoyenne sur la vaccination, jugeant cette instance « incontrôlable ». Ce faisant, elle aurait « bafoué la voix du peuple et des acteurs du soin ».
Influences des lobbies et enjeux de pouvoirs
« Dietrich a mangé le morceau, commente l’ancienne ministre de la Santé Dominique Gillot, aujourd’hui présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées. C’est vrai que la démocratie en santé, avec des responsables nommés par le gouvernement et des influences lobbyistes est aux prises avec des enjeux de pouvoir qui entravent son bon fonctionnement. Une réflexion s’impose pour la suite. »
Une réflexion d’autant plus urgente que la révolution numérique est en train de modifier la donne. « L’intelligence artificielle promet d’être un big bang pour tout le système de santé », pronostique Pascal Mélihan-Cheinin, secrétaire général de la CNS.
A la veille de la présentation de la Stratégie de transformation du système de santé (STSS), par Matignon ou l’Elysée, le ton monte. Une fois de plus. « Ce grand soir annoncé de la santé nous inquiète au plus haut point, confie Alain-Michel Ceretti, président de FAS, car le gouvernement nous impose un rythme infernal qui nous empêche de formuler nos propositions. Ca va hurler de partout. Nous pourrions tirer la sonnette d’alarme», prévient l’ancien président du LIEN (association de lutte contre les infections nosocomiales).
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