En avril, la mairie de Bergerac dénonçait un « point de rupture » et annonçait la création d’un centre de santé municipal et le recrutement de deux médecins salariés par la ville.
Objectif : endiguer la désertification qui sévit dans cette ville de 28 000 habitants. « Il y a quelques années, Bergerac comptait une trentaine de médecins, se désole le maire, Daniel Garrigue. Aujourd’hui, il en reste une vingtaine. Près de 4 000 habitants ont perdu leur généraliste ou ne peuvent plus en trouver, car les médecins en place ne prennent plus de nouveaux patients. De plus, cette année, nous avons dû faire face à une accélération des départs en retraite. Il y avait urgence ! » Un casse-tête que doivent résoudre de nombreux édiles, confrontés à une double problématique d'aménagement du territoire et de pyramide des âges des médecins en activité.
Solutions libérales vs retour aux dispensaires ?
Le recours à une médecine « fonctionnarisée » est toutefois contesté par le Dr Benoit Blanc, médecin généraliste et président du pôle de santé de Bergerac (encadré), qui mise sur les initiatives libérales. « La mairie réinvente les dispensaires du XIXe siècle ! Pourtant, le travail mené par notre pôle de santé porte ses fruits : un jeune généraliste est déjà installé, deux vont le faire cette année et nous sommes en discussion avec deux autres. Sur Bergerac, il nous manque trois généralistes et j’ai bon espoir de les avoir, en libéral. Les collectivités – conseil départemental, mairie – continuent à voir le médecin libéral comme un nanti. Or, des études montrent que le dispensaire générera un déficit 140 000 euros… »
En désaccord sur les remèdes, libéraux et élus locaux se sont du moins entendus, avec l’ARS et la caisse primaire, sur des mesures de bon sens : lancement d’une campagne de communication « vivre et soigner en Bergeracois » pour recruter des médecins ; création d’une cellule d’accueil des familles de médecins pour les aider à trouver logement, crèche, école et emploi pour le conjoint ; et travail de pédagogie sur les incitations à l’installation.
Non au sacerdoce
Mais dans le Nord Dordogne, région rurale à population âgée et isolée, la situation est encore plus tendue : « Je travaille avec trois généralistes qui ont 71, 60 et 53 ans, explique Norbert Barroso, pharmacien à Brantôme (2 200 habitants). Le premier continue par passion et dévouement, le second partira en retraite dans deux ans. À ce moment-là, le cadet explosera en vol. Ici, toutes les incitations ont échoué. Les jeunes généralistes veulent travailler 39 heures, être libre à 19 heures, ne pas crouler sous les tâches administratives, faire peu de gardes et habiter une préfecture. Ils ne conçoivent plus le métier comme un sacerdoce. La seule solution c’est le salariat ! »
Ce pharmacien milite pour l’embauche d’un généraliste qui pourrait être mutualisé entre les trois bourgs du canton disposant d’une pharmacie. « C’est le seul moyen de maintenir l’égalité d’accès aux soins, poursuit-il. Le médecin y trouvera son compte, sans gardes, à une heure des pistes de ski et plages… Et lui assurer 6 000 euros par mois ne nécessiterait que 3 mois d’investissement pour la collectivité. »
MSP, Graal contre l'isolement
« Il y a huit ans, nous avions cinq médecins, maintenant ils ne sont plus que deux, souligne de son côté Arnaud Dufraisse, pharmacien à Excideuil (1 100 habitants). Cette situation engendre des renoncements aux soins, au suivi par un spécialiste*, et déplace les achats de médicaments vers les seules pharmacies proches des cabinets médicaux. » Le phénomène a abouti à de nombreux regroupements d’officines.
Pour ce pharmacien, la recette passe par la création d’une maison de santé pluridisciplinaire. « Pour attirer les médecins, il faut combiner les aides avec un vrai projet de santé. L’exercice pluridisciplinaire leur évite l’isolement et une maison de santé permet d'ouvrir des consultations de spécialistes ou de télémédecine. » Plusieurs MSP (Saint-Aulaye, La Coquille…) ont déjà permis de stabiliser, et même d'accroître la population médicale. Une vraie raison d'espérer dans un département grignoté par le désert…
* En Dordogne, le délai d’accès à un spécialiste est de 129 jours le double de la moyenne nationale. En nord-Dordogne, déserté par les spécialistes, ce délai d'attente peut grimper jusqu’à 7 ou 8 mois.
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