Des « heures sup' » majorées avec un « DE », une réponse au blocage du C ? Depuis le début du mois, deux généralistes bretons, les Drs Ivane Audo et Jean-Charles Rousseaux, exerçant à Lanester (Morbihan), ont lancé cette initiative tarifaire, invitant leurs confrères à les imiter. Ils facturent, via la cotation DE (dépassement pour exigence particulière du patient), certaines de leurs consultations à un prix supérieur à 23 euros, lorsqu'elles ont lieu en dehors de la plage horaire 9H/17H (correspondant aux heures d'ouverture de la Sécu…). En respectant le tact et la mesure et en fonction des ressources des patients, assurent-ils. Un brin provocateur, le mouvement se veut une réponse au gel du C depuis 2011, en même temps qu'une manifestation d'un ras-le-bol plus général.
En complément du mot d'ordre sur le C à 25 euros, relancé en début d'année par plusieurs syndicats (encadré), ces praticiens précisent que leur règle du jeu tarifaire est clairement expliquée dans la salle d'attente. « Si vous souhaitez un rendez-vous en dehors des horaires d'ouverture habituels, y indiquent-ils, il s'agit d'une exigence particulière, et des majorations pourront vous être appliquées ».
Le DE prévu dans la convention, mais encadré
Ce n'est pas la première fois que l'arme du recours au DE est utilisée. Par le passé, des syndicats comme le SML, la FMF ou l'UMESPE (spécialistes de la CSMF) ont incité les médecins à un usage élargi du DE, avec des modalités diverses (un jour par semaine, après 35 heures par semaine, en dehors des horaires classiques…).
De fait, le DE (non remboursé par l'assurance-maladie) est prévu noir sur blanc dans la convention médicale mais « en cas de circonstances exceptionnelles de temps ou de lieu dues à une exigence particulière du malade non liée à un motif médical ». L'indication « DE » est portée sur la feuille de soins, le médecin doit informer le patient du montant et du motif du supplément ; son usage abusif peut être sanctionné. Tout est affaire d'appréciation…
Le Dr Yann-Noël Lavie, omnipraticien à Ploemeur (Morbihan) et président du Collectif pour l'organisation et la défense du territoire de santé (CODTS) de Lorient, assure que « contrairement à ce que prétend la CNAM » appliquer ces dépassements est légal « à tel point que la majorité des mutuelles les prend en charge ».
Combien de divisions ?
L'importance du mouvement breton naissant reste difficile à évaluer. Selon le Dr Philippe Le Rouzo, président du nouveau CODTS d'Auray (Morbihan), la guérilla du « DE » est encore marginale mais les praticiens attendent de voir ce que donneront les négociations conventionnelles.
Le Dr Nikan Mohtadi, président de l'URPS de Bretagne, suggère que le mouvement commence à faire tache d'huile, notamment à Roanne (Loire) et à Bordeaux, ainsi que dans les Hautes-Pyrénées. Dans ce dernier département, le Dr Patrick Guenebeaud, médecin généraliste à Laloubère, signale seulement « quelques initiatives individuelles ». À Roanne en revanche, le Dr Bruno Pagès, un des leaders du collectif médical contre la loi de santé, assure que « les médecins organisent la liberté tarifaire, certains par les horaires, d'autres par les consultations à plusieurs motifs ».
À la caisse primaire du Morbihan, on se refuse à donner les chiffres sur la pratique locale du « DE ». « Les éléments que nous avons ont été transmis à la CNAM qui compte les utiliser dans le cadre des négociations conventionnelles », nous confie toutefois une responsable de la communication de la caisse, qui met en garde sur l'usage abusif de tels dépassements : « Ces majorations sont hors champ conventionnel. Ce n'est pas parce qu'on reçoit un patient après 17 heures ou un samedi matin qu'un dépassement est possible. La notion d'heure supplémentaire n'existe pas chez les libéraux ».
Des patients contactés
En attendant, le Dr Ivane Audo dénonce l'attitude « à la limite du harcèlement » de la caisse du Morbihan. Plusieurs de ses patients lui ont rapporté avoir été récemment appelés directement par la CPAM. « On leur a demandé à quelle heure avait eu lieu la consultation, et le montant réclamé ».
Une réunion inter CODTS devrait se tenir début avril en Bretagne. Ce sera l'occasion pour les praticiens adeptes du DE de se compter.
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