C’EST LE BUG-TYPE dû à la complexité d’ensemble du dispositif. Le Dr Patrick Benier est généraliste à Megève (Haute-Savoie). Démarché voici un an par son délégué à l’assurance-maladie (DAM), il est vite convaincu de pouvoir atteindre les objectifs du CAPI, étant déjà presque dans les clous sur un certain nombre d’indicateurs. Au mois de juin dernier, le DAM passe revoir le Dr Benier pour faire le point sur sa situation. « À l’entendre, indique-t-il, j’étais presque assuré de toucher une rémunération. » Le délégué lui remet en effet des documents listant tous les indicateurs du CAPI. Pour chacun de ceux-ci, le document précise le niveau initial du Dr Benier et l’objectif cible. Mais il comporte également une case indiquant si le seuil est ou non atteint. « Tous mes seuils étaient atteintssauf un, ajoute le Dr Benier, j’étais donc tranquille. » Sauf que, dans le jargon de l’assurance-maladie, le seuil atteint signifie seulement que le médecin a suffisamment de patients concernés par telle ou telle pathologie pour que l’indicateur soit pertinent, et non pas qu’il a atteint le taux de 25 % d’amélioration de son score qui déclenche le versement de la prime. Si bien que quand le Dr Benier reçoit le courrier de sa caisse lui indiquant qu’il est légèrement en dessous de ce seuil, tant dans le champ « suivi des pathologies chroniques » que dans celui de l’« optimisation des prescriptions », c’est la douche froide. Au-delà de sa compréhensible déception, Patrick Benier pointe ce qu’il estime être les défauts du CAPI. « Le dépistage du cancer du sein, je le propose à toutes mes patientes concernées, mais je ne suis pas responsable du fait qu’elles ne s’y soumettent pas. Quant à mes patients diabétiques, ils sont presque tous stabilisés. Pourquoi irais-je leur prescrire trois ou quatre dosages HbA1c par an comme l’exige le CAPI ? » Enfin, travaillant en zone montagneuse, le Dr Benier a une importante clientèle saisonnière dont il n’est évidemment pas le médecin traitant. « Le CAPI ne prend en compte que les patients dont nous sommes le médecin traitant, cela me désavantage considérablement », calcule-t-il. Finalement, sa décision est prise : « Les caisses peuvent garder leur CAPI, moi je garde ma liberté de prescription. Ce contrat est un attrape-nigaud concocté par des gens malhonnêtes. »
Un point de vue que n’est pas loin de partager la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) qui a combattu ce contrat dès sa conception. L’organisation, qui n’est « pas hostile à une part de rémunération liée à la performance », met quelques préalables à l’éventuelle intégration de ce contrat à la convention, précise sont président Michel Chassang. Pour lui, le CAPI doit être uniquement basé sur des objectifs de santé publique. Le patron de la CSMF demande également que les indicateurs soient négociés avec les médecins, avec avis de la HAS. Le CAPI devra également à son sens subir des modifications, comme « le suivi, les modes de paiement, ou encore les effets de seuil ».
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