C'est un texte de quelques pages qui risque de bouleverser les habitudes des médecins en matière de communication professionnelle.
Un projet de décret, amené à modifier le code de déontologie médicale, a été déposé auprès de la Commission européenne par la direction générale de l'offre de soins (DGOS, ministère de la Santé). Ce texte que « Le Quotidien » s'est procuré supprime l’interdiction générale et absolue de publicité (directe ou indirecte) par les médecins au profit d’un principe de « libre communication et de publicité ». Une petite révolution néanmoins encadrée.
Selon le texte en l'état – dont l'analyse est prévue jusqu'à mi-décembre – le médecin sera désormais libre de communiquer au public, « par tout moyen », y compris sur un site internet, des informations « de nature à contribuer au libre choix du praticien par le patient », comme ses « compétences et pratiques professionnelles », son parcours ou ses conditions d'exercice.
Mais dès lors qu'il présente son activité au public, notamment sur un site, il « doit y inclure une information sur les honoraires pratiqués, les modes de paiement acceptés ». Dans le même souci de clarté, le praticien est même tenu de répondre à toute demande d'explication sur ses honoraires et le coût d'un traitement.
Une com' loyale, honnête et non comparative
Le projet de décret s'emploie à définir et à border cette libre communication des médecins. Elle devra être « loyale et honnête », ne pas solliciter de témoignages de tiers, ne pas reposer sur des comparaisons avec d'autres confrères médecins ou établissements et ne pas inciter à un recours inutile aux soins. « Elle ne porte pas atteinte à la dignité de la profession et n'induit pas le public en erreur », peut-on lire.
Outre des informations le concernant personnellement, le médecin pourra également communiquer – là encore « par tout moyen » – auprès du public des informations « scientifiquement étayées » sur sa discipline ou des enjeux de santé publique, sous réserve de formuler ces données « avec prudence et mesure ».
Le texte précise que le médecin doit mentionner sur ses feuilles d'ordonnance et documents professionnels son nom, prénoms, adresse postale et électronique, numéro de téléphone et numéro RPPS, son conventionnement ou non, la spécialité au titre de laquelle il est inscrit à l'Ordre ou sa qualification, et son adhésion éventuelle à une AGA. Il peut aussi mentionner ses « titres, diplômes et fonctions » reconnus par l'Ordre, tout comme ses distinctions honorifiques reconnues par la République.
Pas de référencement numérique prioritaire
Si le médecin est aussi autorisé à faire figurer « avec discrétion » certaines de ces informations sur une plaque de son lieu d'exercice, et dans les annuaires à l'usage du public, il lui sera en revanche interdit d'« obtenir contre paiement ou par tout autre moyen un référencement numérique prioritaire » le concernant (dans les résultats de recherche sur internet).
L'objectif de ce projet de décret est de se mettre en conformité avec le droit européen. Depuis 2017, la jurisprudence s’oppose à ce qu’une législation nationale interdise de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins. En 2019, la France a été mise en demeure par la Commission de modifier les codes de déontologie de professions de santé (. La même année, le Conseil d’État a opéré un revirement de jurisprudence, estimant que les obligations déontologiques des médecins en matière d'interdiction de publicité n’étaient pas conformes au droit de l’UE.
Contacté par « Le Quotidien », le conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) confirme avoir été très tôt « consulté » sur le sujet. Il s'estime satisfait du texte prévu par le ministère de la Santé, ses recommandations ayant été « prises en compte ». « Si Bruxelles valide ce texte et qu'un décret est publié par le gouvernement français, précise l'instance ordinale, une modification du code de déontologie médicale suivra. »
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