Oubliés, c’est le ressenti des généralistes et des infirmières de ville vis-à-vis des pouvoirs publics depuis le lancement des infirmières en pratique avancée (IPA).
S’ils sont certains que leur arrivée donnera une bouffée d’oxygène à leur pratique notamment dans la coordination des soins, praticiens et paramédicaux libéraux doutent encore de la réelle place des IPA dans l’ambulatoire. « On ne sait pas comment cela va se passer », résume Corinne Lehmann, infirmière et membre du comité de pilotage du GIC RéPASI (groupe d’intérêt qui représente les IPA), au congrès du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), vendredi dernier à Avignon.
Les IPA peuvent prendre en charge des patients atteints de pathologies chroniques stabilisées et les polypathologies courantes en soins primaires – mais ça s’arrête là. « Ça n’a pas été pensé pour l’ambulatoire, déplore le Dr Yannick Ruelle, généraliste dans un centre de santé de Pantin (Ile-de-France) et représentant de l’Union syndicale des médecins de centres de santé. Il y a une absence de cadre d’emploi. »
Le modèle économique des IPA pose aussi question. À ce jour, rien n’est arrêté. Un texte précisant la rémunération est en cours de rédaction et attendu début 2019. « La DGOS [ministère de la santé, NDLR] doit bientôt donner des arbitrages. A priori, elle se dirige vers un forfait au parcours de soins pour les IPA intégrées dans une maison de santé pluriprofessionnelle ou un centre de santé, détaille Corinne Lehmann. Et à l’hôpital vers un statut de cadre ».
L’hôpital favorisé
Au-delà de l'activité professionnelle, la formation interroge les libéraux. 400 infirmières, majoritairement hospitalières, se sont lancées dans le master (deux ans) ouvert dans huit facs depuis septembre. Les dysfonctionnements se lisent déjà à plusieurs niveaux. Les stages du master se déroulent exclusivement dans les structures hospitalières. Une incohérence pour la profession. « Le responsable de formation est hospitalier. Certains départements de médecine générale ont même été exclus de la création du master », regrette le Dr Ruelle. D’autre part, les infirmières hospitalières suivant cette formation sont rétribuées, contrairement aux libérales. « En ville, il y a une perte financière importante due à la suspension de l’activité sans complément de revenus », explique Corinne Lehmann. L’agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur est l’une des rares institutions à faire un geste d’environ « 10 000 euros par an » pour ces infirmières libérales prêtes à devenir IPA. À cela s’ajoutent des frais d’inscriptions hétérogènes. « À Marseille, le cursus coûte 5 000 euros, à Paris-Diderot, 500 », conclut en soupirant Corinne Lehmann, avant de réclamer une homogénéisation des cursus.
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